Juges 11, 1-9 + 29-40

Le vœu de JephtéPaul VI

Saint Ambroise de Milan

De la Virginité, n° 4-9

        Examinons attentivement ce qui vient de nous être lu dans le livre des Juges, car ce meurtre d’une fille par son père n’a pu être écouté par des oreilles inattentives. Reprenons-en le récit.

        Jephté était Juge des Juifs ; confronté à un combat incertain dont il redoutait l’issue, il fit ce vœu : s’il repoussait l’adversaire, quiconque, à son retour, viendrait le premier à sa rencontre sur le seuil de sa maison, il l’offrirait en sacrifice à Dieu, auteur de sa victoire. Ayant donc gagné la guerre et mis en fuite les ennemis, il rentra chez lui. Dans le vestibule accourt sa fille, toute à son amour filial, ignorante de l’offrande promise. Le père, lui, se souvient aussitôt, et, conscient de son vœu, déplore d’avoir à s’acquitter de sa promesse : Hélas, ma fille, tu es ma mort ! J’ai donné ma parole au Seigneur à ton sujet. Sa fille lui demanda seulement un répit de deux mois pour aller pleurer sa virginité sur la montagne. Au bout de deux mois, elle revint vers son père et il accomplit son vœu. C’est bien cette expression qu’il faut employer : la sainte Ecriture, en effet, ne détaille pas la réalisation de la chose, répugnant à suggérer l’image d’un père tuant sa fille.

        Alors ? Approuvons-nous cela ? Pas le moins du monde. Cependant, si je n’approuve pas le meurtre de l’enfant, je note cette peur, cette crainte de ne pas tenir un engagement. Aussi bien, fut-il dit à Abraham : Maintenant, je sais que tu aimes le Seigneur ton Dieu, puisque tu n’as épargné ton fils unique.

        Jephté avait un exemple à suivre, indiquant que le Seigneur n’aime pas voir verser le sang de l’homme. L’unique parole adressée à Abraham enseignait que l’obéissance à Dieu doit passer avant la vie d’un fils, et en même temps que les parents doivent offrir leurs enfants à Dieu, mais non les égorger. La fille de Jephté avait un souci extrême du vœu de son père, mais comment celui-ci n’a-t-il pas redouté de la mettre à mort ? L’enfant se préoccupait de l’infidélité de son père à sa promesse, mais comment celui-ci ne se soucia-t-il pas du meurtre de sa fille ?

        Comme il n’y avait pas égalité entre les mérites d’Abraham et ceux de Jephté, il n’y eut pas similitude entre les événements. Ici le père s’affligea, la fille pleura : tous deux n’eurent pas foi en la miséricorde de Dieu. Abraham, lui, ne s’affligea pas ; il ne consulta pas son affection paternelle. Dès qu’il entendit la parole de Dieu, il ne différa point le sacrifice, il ne réclama pas de délai, il se hâta d’obéir. C’est pourquoi, à cette foi ardente, répondit une miséricorde surabondante.