Apocalypse 9, 1-12

Le cinquième ange

Père Jean Giblet

L’Apocalypse, une lecture commentée, p. 136s

        L’étoile précipitée du ciel a de quoi terrifier ! En effet, dans la conception commune, les étoiles étaient elles-mêmes guidées par des créatures de type angélique ou maléfique. Cicéron, par exemple, lui qui était plutôt sceptique, écrivait que, si quelqu’un soutenait devant lui que les astres ne sont pas intelligents, il montrerait par là que lui-même ne l’est certainement pas ; pour lui, les astres apparaissent comme des créatures parfaites puisqu’elles sont éternelles, lumineuses, d’une régularité sans faille, ce qui pour les anciens constituaient la valeur suprême.

        En relation avec cette étoile précipitée du ciel, le cinquième ange reçoit une clé. On peut raisonnablement considérer qu’il s’agit là d’un langage conventionnel procédant d’une représentation assez mythique du monde.

        Cette clé donne accès au puits de l’abîme. Celui-ci, dans la plus vieille tradition juive, constitue le monde souterrain dont on pressentait l’existence. On sait aujourd’hui que l’intérieur de la terre est igné, les volcans le rappellent à l’occasion. Les anciens pressentaient qu’il y avait là quelque chose d’autant plus redoutable que l’on n’en connaissait que des manifestations terribles à certains moments. Donner la clé de cet abîme clos équivaut donc à permettre le surgissement de nombreux fléaux et malheurs. Et, en effet, dès l’ouverture du puits, une fumée, signe d’une grande fournaise, s’élève et obscurcit le monde.

        De cette fumée, jaillissent des sauterelles. Leur description relève de toutes pièces de l’imagination d’un visionnaire ; il ne faut pas trop essayer d’en reconstituer une image cohérente. Par la suite, il sera précisé qu’elles ont l’aspect de chevaux équipés pour le combat ; il s’agit donc d’êtres puissamment armés pour faire du tort. Les couronnes d’or, sur leur tête, sont le signe de leur puissance et de leur prétention à la souveraineté. A leur force d’ordre militaire et politique, se combine un aspect plus concret, plus charnel, puisqu’elles ont des visages humains et de cheveux comme des cheveux de femmes.

Après la description, si l’on peut dire, de ces sauterelles, on en vient à leur action. Ces êtres sont capables de causer de grandes souffrances, de grandes douleurs, comparables à celles provoquées par des scorpions. En outre, ces sauterelles ne peuvent pas mourir, pas plus d’ailleurs que ceux qu’elles touchent ; seule la mort pourrait être pour eux une libération, mais cette mort elle-même leur est interdite. La signification de cette souffrance serait précisément d’amener à la conversion. Par ailleurs, l’intervention de ces bêtes est limitée dans le temps : Dieu reste toujours maître de l’évènement, et s’il permet de telles situations, il les a toujours limitées, circonscrites. Le pouvoir du mal n’ira jamais au-delà de ces limites.