Apocalypse 20, 1-15

Les mille ans

Père Gustave Bardy

Dictionnaire de Théologie Catholique, tome 10-2, col. 1760s

        Le millénarisme est une erreur professée par ceux qui attendaient un règne temporel du messie, règne dont ils fixaient parfois la durée à mille ans.

        Les origines du millénarisme sont antérieures à l’ère chrétienne. Il faut chercher dans les espérances d’Israël le point de départ de la croyance au règne terrestre du Messie. Les prophètes annonçaient la venue du Messie comme devant marquer le début d’une ère de bonheur et de prospérité. A leur suite, les auteurs des Apocalypses apocryphes commencèrent à décrire, sous les couleurs les plus vives, le bonheur des justes pendant le règne du Messie. Le Livre des Jubilés, par exemple, annonce un temps où les hommes vivront plus d’années qu’auparavant ils ne vivaient de jours : Plus de vieillards, s’écrie l’auteur, personne qui ne soit rassasié de jours : ils seront tous enfants et jeunes gens. La durée des temps messianiques n’est pas fixée par les plus anciennes apocalypses qui semblent parfois les confondre avec le bonheur éternel du ciel.

        Des milieux judaïques, la croyance au règne messianique fut transmise au christianisme par l’intermédiaire de l’Apocalypse de Jean, qui fixa d’une manière définitive sa durée à mille ans. Après la ruine de la Babylone nouvelle, à la suite d’une lutte victorieuse contre les ennemis de Dieu et des saints, la puissance divine enchaîne Satan et le relègue pour mille ans dans l’abîme. Alors se produit la première résurrection ; les justes règnent avec le Christ, dont ils sont les prêtres, pendant ces mille ans, au bout desquels Satan sort de sa prison pour une seconde lutte qui sera suivie de sa défaite définitive et de la descente de la Jérusalem nouvelle où les élus vivront éternellement avec Dieu. Sans doute, toutes ces descriptions sont-elles à entendre comme des symboles ; l’auteur inspiré, afin de se faire mieux comprendre de ses lecteurs, a emprunté au monde où ils vivaient, ses images et ses expressions favorites, mais il n’a pas voulu enseigner expressément le millénarisme grossier et matériel où se complaisaient un trop grand nombre d’imaginations.

        Saint Augustin, dans son ouvrage, La Cité de Dieu, rejette le millénarisme, et donne de l’Apocalypse une interprétation orthodoxe, en expliquant de l’Eglise de la terre ce qui y est prédit sur le Royaume du Christ : c’était enlever aux millénaristes leur meilleur argument. L’autorité de saint Augustin s’ajouta d’ailleurs à la force de sa démonstration. Passé le cinquième siècle, on n’entend plus parler du millénarisme, sinon en de rares occurrences, dans quelques sectes d’illuminés.