1 Jean 2, 1-11

« Qui aime son frère demeure dans la lumière »

Dom Georges Lefebvre

Le précepte du Seigneur, VS 96, p. 42s

        L’amour fraternel est miséricordieux, il est patient. C’est pourquoi il est source de paix. Celle-ci ne peut s’atteindre en essayant d’écarter les causes d’irritation. Peut-être devant le trouble que provoquent parfois les plus légères occasions d’impatience, serons-nous tentés de nous demander s’il est possible de s’y soustraire autrement que par la fuite des incidents pénibles qui soulèvent de telles tempêtes. Ce n’est pourtant pas ainsi que l’on parvient à la vraie tranquillité de l’âme. Celle-ci, écrit l’auteur de l’Imitation de Jésus-Christ, consiste à souffrir humblement plutôt qu’à ne pas ressentir de contrariétés. C’est en luttant de son mieux, avec simplicité et persévérance, que l’on verra ces troubles s’atténuer. L’âme se pacifiera peu à peu et apprendra à trouver sa joie dans la douceur et la patience, à goûter en elle la saveur secrète de l’humilité qui s’y trouve cachée.

        Car il y a un lien très intime entre l’humilité et la patience : au fond de chaque mouvement d’irritation ou de colère, il est facile, si l’on y regarde d’un peu près, de découvrir une réaction d’amour-propre froissée. Ce qui coûte, ce n’est pas d’avoir à subir une petite gêne, souvent bien légère, c’est de se la voir imposer par autrui. C’est pourquoi une contrariété est tellement plus sensible lorsqu’elle vient des hommes qui si elle venait simplement des événements : on dispose de nous sans notre consentement, un autre prétend nous imposer sa volonté, et nous ne l’admettons pas, précisément parce que c’est sa volonté et qu’il la substitue à la nôtre. C’est une atteinte à notre indépendance, et nulle humiliation ne nous est sensible. Nulle, pourtant ne nous est plus bienfaisante : Apprends à t’humilier, écrit l’auteur de l’Imitation, et à t’offrir à toutes sortes de dépendances. Et sainte Jeanne de Chantal, se demandant à quelles vertus nous pourrons nous exercer avec plus de fruit, répond : A la souplesse, à l’obéissance, car les plus grands actes d’humilité consistent en la soumission ; c’est là pierre de touche pour reconnaître si la sainteté et l’humilité qui se rencontrent aux âmes est vraie. C’est pour progresser dans le véritable renoncement, un moyen beaucoup plus efficace que des mortifications en elles-mêmes plus pénibles, mais qui ne comporteraient pas cet effort de soumission à autrui ; celle-ci, en effet, atteint notre amour-propre en son centre, en ce point où il importe de frapper pour ébranler le roc ferme et dur de l’attachement à soi-même.