Apocalypse 13, 1-18

Les deux bêtes, descendance de Satan

Père Lucien Cerfaux

L’Apocalypse de saint Jean lue aux chrétiens, p. 120s

        L’imagerie des deux bêtes est empruntée au prophète Daniel, mais transformée parce que le voyant, tout en conservant l’idée générale que les bêtes représentent des empires, lui donne une application et une précision toute nouvelle.

        Les cornes et les diadèmes de la première bête qui monte de la mer symbolisent le pouvoir et la royauté  des rois ou des empereurs. Quant aux têtes, le Voyant a plusieurs significations possibles ; les noms de blasphème spécifient très fort la signification symbolique : ce sont les titres divins que revendiquent les empereurs romains.

        La bête condense en elle les attributions des quatre bêtes de Daniel, et le dragon lui remet sa puissance. De même que pour saint Paul, suivant une idée de l’Ancien Testament, les démons se trouvent derrière les idoles et s’expriment par elles, l’empire romain fait l’œuvre de Satan. Sa puissance s’identifie  à celle de Satan, elle est toute orientée vers le mal, donc vers les persécutions des chrétiens ; l’adoration des empereurs n’est en fait que l’adoration de Satan lui-même.

         A la bête sont accordés quarante-deux mois : toujours le terme de l’histoire de l’Eglise persécutée qui est celle de la bête. Le prophète souligne la puissance de l’empire, son universalité, son opposition radicale à l’Eglise chrétienne, de telle sorte que le monde est divisé en deux clans : ceux dont les noms sont écrits au livre de vie de l’Agneau, et tous les autres qui adorent la bête.

        Une autre bête monde la terre. Jean l’appellera plus loin le faux prophète ou prophète de mensonge. C’est bien le nom qui lui convient. Toute son activité est consacrée à amener les hommes à se prosterner devant la première bête. Elle a inspiré aux hommes le culte de Rome et de l’empereur, d’adorer leurs statues et de leur élever des temples.

        Quelle sera l’attitude de l’Eglise en face des deux bêtes qui représentent l’empire romain pour la première et le paganisme pour la seconde. L’Eglise vit à part du monde, dans la solitude où Dieu la nourrit. Avec la prudence que lui donne l’Esprit-Saint, elle pourra développer une autre conception, celle d’une foi engagée dans les réalités terrestres pour les pénétrer de l’esprit chrétien et les ordonner à la gloire de Dieu. C’est à l’Eglise à juger, pour chaque génération, ce qui est à faire. Mais ceci ne peut supprimer, ni faire oublier la grande vérité que l’Apocalypse met en lumière : l’Eglise, donc les chrétiens, ne sont pas du monde, ils sont les habitants du ciel, ils ne sont pas chez eux dans le monde terrestre ; ils sont à part, et, de plus, persécutés par le monde qui est au service de la bête. Tuer la bête n’est pas notre rôle ; accepter la persécution dans la patience et la foi, voilà la part des saints.