Apocalypse 9, 13-21

L’œuvre des cavaliers

Père Jean-Pierre Charlier

Comprendre l’Apocalypse, tome 1, p. 136s

        L’heure est arrivée où Dieu doit pourvoir reconnaître les siens. Satan, lui, est prêt ; il va lancer son offensive, et l’optimisme fondamental de l’Apocalypse pense qu’un tiers seulement des hommes sombrera irrémédiablement dans les pièges de l’idolâtrie. Il n’y a évidemment nulle place ici pour une guerre réelle et un bain de sang colossal ; d’ailleurs les cavaliers ne sont pas équipés pour cela, étant dépourvus de toute arme offensive. Tuer un tiers des hommes est aussi imagé que délier quatre anges enchaînés. Chacun sait que se détourner du vrai Dieu pour se confier en des idoles est un processus mortel : Les idoles sont scandales pour les âmes des hommes, dit le livre de la Sagesse. L’idolâtrie, qui contrecarre l’article premier du Décalogue, est le seul péché total, fondamental qui conduit à la mort.

Les quatre anges, une fois libérés, se démultiplient en une invraisemblable cavalerie de deux cents millions d’armées : c’est le plus haut chiffre jamais cité dans toutes les Ecritures, en dehors de Daniel (7,10) où apparaissent dix milliards d’être qui se tiennent devant Dieu.

        Dans la description de la cavalerie où chevaux et cavaliers sont confondus, bien des traits rappellent celle des sauterelles : les thorax, les queues, les dents de lions. Mais ces êtres qui se posent en rivaux de Dieu ont, sans doute pour cette raison même, trois groupes de caractéristiques ternaires : non seulement la bouche, la tête et leur action de tuer sont mentionnées trois fois, mais surtout leurs armes et leur parade sont triples également puisque au feu, à la fumée et au soufre qui sortent de leurs gueules correspondent les qualités de leur poitrail qui est de feu, d’hyacinthe et de soufre. Le thorax qui abrite le cœur, siège de la pensée, est ainsi de même nature que ce que crache la bouche ; or le feu, la fumée et le soufre sont associés à l’idolâtrie et le rouge hyacinthe est la couleur biblique des idoles.

Ainsi, en résumé, les cavaliers agissent de tout leur être, de toutes leurs forces, par leur intelligence et leurs discours, par leur ruse ancestrale pour répandre le feu qui  brûle, la fumée qui obnubile  et le soufre qui stérilise ; par ces moyens, un tiers des hommes va mourir dans leurs mirages. Maintenant le temps est proche où cette provocation à l’idolâtrie prendra vraiment consistance, lorsque la seconde Bête présentera à l’adoration du monde une icône accréditée par le feu du ciel.