Hébreux 11, 1-19

La foi exemplaire d’Abraham

Saint Grégoire de Nysse

Contre Eunome, 1ère partie, III, 85s, SC 551, p. 159s

        Abraham quitta, par un ordre divin, son propre pays et sa parenté en un voyage digne d’un prophète désireux d’apprendre Dieu. Car aucune migration de lieu en lieu ne répond, semble-t-il, à l’idée des bénédictions qu’il est dit avoir reçues. Sortir de lui-même et de sa patrie, par quoi je comprends de son propre esprit terrestre et charnel, élevant ses pensées aussi haut que possible, au-delà des limites de la nature, oubliant la parenté de son âme avec les sens, marchant, comme dit l’Apôtre, par la foi et non par la vision, il fut élevé si haut par la sublimité de sa connaissance qu’il en vint à être considéré comme le sommet de l’humaine perfection, mais étendue aussi loin qu’il lui soit possible d’atteindre.

        C’est pourquoi le Seigneur de toute la création, devenu en quelque sorte une découverte du patriarche, est appelé au sens propre Dieu d’Abraham. Néanmoins, que dit le texte de l’Ecriture à son sujet ? Qu’il sortit sans savoir où il irait, et sans être capable d’apprendre le nom de celui qu’il aimait, tout en éprouvant ni sentiment de peine, ni sentiment de honte à cause de cette ignorance. Le principe sûr qui le guidait dans sa recherche était de ne se laisser guider par aucune des choses immédiatement perceptibles pour arriver à la compréhension de ce qui relève de la réflexion sur Dieu et de ne jamais laisser son intelligence entièrement sous le coup de telle ou telle conception, au point qu’elle s’arrête dans sa progression vers ce qui est au-delà des choses connues. Comme, après avoir dépassé en pensée la sagesse de son pays, je veux dire la philosophie des Chaldéens, qui se limite aux choses visibles, et s’être élevé au-dessus de ce qui est connu par les sens, il ressentit, sous l’effet de la beauté des choses contemplées et de l’harmonie des merveilles célestes, le désir ardent de voir la beauté archétypale, de même, pour toutes les autres choses qu’il comprenait au fur et à mesure qu’il progressait sans sa réflexion, il en fit des moyens d’approche et des marchepieds pour sa progression vers le haut, s’appuyant toujours sur ce qu’il avait trouvé et toujours tendu vers l’avant, gardant dans son cœur, comme le dit le prophète, ces belles montées, et dépassant tout ce qu’il avait compris par ses propres forces comme étant trop petit par rapport à ce qui est recherché. Après qu’il eut parcouru, parmi les conceptions relatives à Dieu, toute l’étendue des conjectures au sujet de sa nature, qui sont tirées de son nom, ayant purifié la pensée de telles suppositions, et ayant adopté une foi pure de toutes ces notions, il fixa, comme signe infaillible et manifeste de sa connaissance de Dieu, le fait de croire que Dieu est plus grand et plus sublime que tout signe propre à le faire connaître.