Lamentations 2, 10-22

L’institution du repas eucharistique

Père Edmond Barbotin

Humanité de Dieu, p. 317s

        Le temps de l’institution de l’eucharistie est essentiel. Malgré la hâte de son désir, Jésus a voulu attendre la célébration de la Pâque juive : J’ai désiré avec ardeur manger cette Pâque avec vous avant de souffrir.

        La fête fournit au Christ l’occasion d’accomplir tout le passé d’Israël. La Pâque juive est achevée, c’est-à-dire parfaite et dépassée. Les figures s’effacent devant la réalité. Sous les signes, Dieu donne à son peuple nouveau tous les biens du Royaume. Le repas rituel institué par Jésus est, de la part de Dieu, accomplissement des promesses ; de la part de l’homme, action de grâce pour cet accomplissement même, eucharistie. L’acte unique et simple, posé par Jésus-Christ, est à la fois le Oui de Dieu à ses annonces et l’Amen de l’homme au salut offert.

        Le rite pascal, cadre de l’institution nouvelle, fait du repas du Seigneur un repas du soir, la Cène par excellence. Plus qu’aucun autre moment du jour, tous travaux ayant cessé, cette heure est celle de l’intimité, du recueillement et de l’abandon propice aux confidences. En outre, une circonstance décisive s’ajoute et cette signification : il s’agit, pour Jésus, d’un repas d’adieu. C’est en pleine conscience de sa mort prochaine que le Maître réunit les siens autour d’une même table, célèbre la Pâque ancienne, institue la Pâque nouvelle, donne ses dernières consignes. La force de présence propre à toute communauté de table reçoit du sacrifice et de la séparation imminents une densité exceptionnelle. Sans doute, à lire les récits évangéliques, sent-on les disciples encore étrangers au sens le plus profond des gestes et paroles du Maître. Mais, lents à comprendre, les Douze perçoivent dans l’attitude de Jésus la gravité de l’heure et la prégnance de l’instant.

        Cette solennité décisive s’affirme même au lavement des pieds. Là, il s’agit d’un rite d’accueil, accompli par les serviteurs, voulu par les conditions de la marche sur les routes poudreuses de Palestine, et devenu règle du savoir-vivre. L’évangéliste détaille avec soin tous les gestes de Jésus, l’incompréhension naïves de Pierre, où celle de ses compagnons ; il rapporte surtout l’interprétation donnée aussitôt par le Maître. Procédé pédagogique d’une force délibérée, ce geste se situe dans la ligne des actions prophétiques de l’ancienne économie, mais avec cette différence qu’il s’agit, non pas d’un évènement futur à prédire, mais d’un précepte à enjoindre : celui du service mutuel et fraternel le plus humble.

        Si ce repas d’adieu prélude à une séparation dont il reçoit une grande part de son sens, il s’ordonne aussi à un festin de retrouvailles définitives qui accomplira cette Pâque nouvelle pour toujours : Je vous le dis, je ne mangerai plus cette Pâque jusqu’à ce qu’elle s’accomplisse dans le Royaume de Dieu.