Luc 9, 28b-36

La Transfiguration de l’âme

Adam de Perseigne

La grâce de la Transfiguration, Vie monastique 24, Bellefontaine, p. 238s

         Bien des fleurs doivent orner le lit de la conscience, des fleurs qui doivent soutenir l’âme prête à faire l’ascension de la montagne où se transfigure le Seigneur. Il est en effet nécessaire que l’âme soit transfigurée et quitte la forme transitoire de la cupidité terrestre, pour devenir capable de voir la lumière cachée du Christ qui se transfigure. Voilà pourquoi, montant sur la montagne où il devait se transfigurer, le Seigneur ne prit avec lui que trois disciples, à savoir, Pierre, Jacques et Jean. Notez chez Pierre la fermeté du parfait amour : en effet Pierre aima plus que les autres et tira son nom de la pierre résistante en raison de la constance d’une foi sincère ; Jacques, qui signifie lutteur, représente l’humilité qui substitue l’innocence aux vices et lutte par la patience contre les ennemis. Par Jean, est exprimé l’intégrité de la chair, qui mérite ce privilège d’être promue jusqu’au secret de la Vérité sans corruption.

        Si vous avez coupé ces fleurs dans le jardin de volupté, vous avez réjoui par de merveilleux parfums la grâce du Christ ; absent, vous l’avez rappelé ; présent, vous l’avez fortement retenu, et vous avez dit : Je l’ai retenu, je ne le lâcherai point, et encore, Mon Bien-aimé est à moi et moi à Lui..

        Au reste, si vous ne vous ignorez pas vous-même, comme Pierre qui ne savait pas ce qu’il disait, vous savez faire et vous avez de quoi faire trois tentes : une pour le Christ, une pour Moïse et une pour Elie. Qu’est en effet le Christ, sinon l’amour éternel ? Qu’il se repose et qu’il ait sa tente au midi, c’est-à-dire dans la faveur de votre charité.

Moïse, qui porta la Loi divine et en eut le zèle, signifie la science ou le zèle de la discipline régulière ; sa tente est faite de jonc, c’est-à-dire de la conscience d’un cœur humble. Elie passe pour avoir été vierge ; de plus, d’après certains, il tire son nom d’Hélios, c’est-à-dire le soleil ; il représente donc la vérité, ou encore la manifestation éblouissante des œuvres de lumière ; voir la lumière éclatante sur la face de l’Epoux est le prix et la récompense de la charité, qui languit du retard apporté à la réalisation de son désir. L’éclatante lumière du vêtement éblouissant de blancheur est la gloire de l’humilité, ici-bas satisfaite de la bassesse et de la dernière place.

Vivons à l’ombre et sous la protection de la nuée lumineuse. Appuyés ainsi sur le Christ, suivons-le partout où il ira, et conduit par les chemins de son éternité, tranquilles, nous dirons : Seigneur, il nous est bon d’être avec toi.