Exode 13, 1-16

La prophétesse Anne

Père Philippe Lefebvre

Brèves rencontres, vies minuscules dans la Bible, p. 169s

       La prophétesse Anne, fille de Phanuël est au Temple, participant au culte nuit et jour par des jeûnes et des prières, comme les femmes de l’ancien Israël. Le jeûne, chez elle, a ceci d’étonnant que sa tribu, Asher, est une tribu plantureuse : Asher, son pain est gras, lit-on en Genèse (49,20), dans la bénédiction de Jacob sur son fils Asher. Mais elle est aussi la fille de Phanouel, dont le nom signifie la Face de Dieu. Notre texte pourrait suggérer un lien entre l’antique liturgie des femmes qui attendent que Dieu fasse resplendir son visage : C’est ta face, Seigneur, que je cherche, dit le psaume (27,8) ; ce psaume de David insiste précisément sur l’habitation au Temple : Une chose qu’au Seigneur je demande, la chose que je cherche, c’est d’habiter la maison du Seigneur tous les jours de ma vie. Dieu est pour Anne cet Autre qu’elle cherche, elle qui depuis longtemps n’a plus le vis-à-vis de son époux, veuve qu’elle est, âgée de quatre-vingt-quatre ans, n’étant restée mariée que sept ans.

       En digne fille de Phanuel et en descendante de Jacob, elle est depuis longtemps sortie du regard réflexif pour se tourner vers Dieu. C’est le visage d’un enfant qui lui sera offert. On remarquera les deux verbes qui soulignent bien que sa spiritualité est dégagée de l’ego : sa réaction n’est pas une intériorisation individuelle. Dès l’arrivée de l’enfant, Anne entre en relation : elle fait acte de confession à l’égard de Dieu, elle célèbre Dieu nous dit le texte, et elle parle de l’enfant à tous ceux qui attendent le salut.

       Le fait qu’Anne soit au Temple atteste donc que le rôle de vigilance qu’avaient les femmes dans l’ancien Israël, même s’il est peu marqué dans l’Ancien Testament, reste une réalité vivante. Ici encore, c’est un héritage spirituel qui est assumé. Il s’harmonise bien avec cette importance des femmes dans les commencements de Luc. Quand la voix du prêtre Zacharie, le père de Jean-Baptiste, s’est tue pour un temps, celle de sa femme Elisabeth a retenti avec force. Celle de Marie s’est fait entendre, alors que l’on entendra jamais celle de Joseph. Et Anne n’est pas en reste : après le Cantique de Syméon, elle parle pour diriger les regards vers l’enfant.