Romains 3, 21-31

Vers la justification de l’homme croyant

Saint Augustin

Lettre aux Romains, OC 11, p. 3s

        Distinguons quatre degrés pour l’homme : avant la Loi, sous la Loi, sous la grâce, dans la paix. Avant la Loi, nous suivons la concupiscence de la chair ; sous la Loi, nous sommes entraînés par cette concupiscence ; sous la Loi, nous ne suivons pas  la concupiscence  et elle ne nous entraîne pas ; dans la paix, la concupiscence de la chair n’existe pas. Avant la Loi, donc, nous ne combattons pas, car non seulement nous convoitons et péchons, mais nous approuvons même le péché ; sous la Loi, nous combattons, mais nous sommes vaincus, car nous avouons que ce que nous faisons est mal, et nous ne voulons pas le faire, mais comme la grâce  n’est pas encore là, sauf exceptions pour les justes, les Juifs ou les païens, nous sommes vaincus. En ce degré, il nous est montré comment nous gisons, nous voulons nous relever, nous retombons, et nous sommes encore plus abattus. La Loi n’enlève pas le péché, car il n’est enlevé que par la grâce. Donc la Loi est bonne, puisqu’elle interdit ce qui doit être interdit et prescrit ce qui doit l’être ; mais quand quelqu’un croit pouvoir l’accomplir par ses propres forces, et non par la grâce de son Libérateur, cette présomption ne sert de rien.

       Donc, quand quelqu’un constate qu’il n’est pas capable de se relever lui-même, il doit implorer le secours du Libérateur : alors, la grâce vient pour pardonner les péchés passés et aider l’homme qui s’efforce de se relever, lui attribuer la charité de la justice, et lui enlever la crainte. Alors, même si certains désirs de la chair combattent contre notre esprit pour le conduire au péché pendant que nous sommes dans cette vie, l’esprit ne consent pas à ces désirs, parce qu’il est fixé dans la grâce et charité de Dieu. Il cesse de pécher, car c’est dans le consentement que nous péchons. Il y a donc des désirs auxquels il suffit de ne pas obéir pour ne pas laisser le péché régner en nous. Mais parce ces désirs naissent de la mortalité de la chair que nous tenons au péché du premier homme, ils ne finiront pas ; si ce n’est quand nous atteindrons ce changement merveilleux qui nous est promis à la résurrection des corps : alors la paix sera parfaite, rien ne nous résistera plus, parce que nous-mêmes ne résisterons plus à Dieu.