Jean 3, 22-30

l’ami  de  l’époux

Dom Augustin Guillerand

Au seuil de l’abîme, p. 169s

       Les fêtes terminées, Jésus se retire ; il va au Jourdain. Il est attiré par le Précurseur, il veut avoir avec lui un contact ; Jean Baptiste va lui rendre un dernier témoignage. Dans ses suprêmes paroles, le Précurseur va nous faire pénétrer jusqu’en ses profondeurs extrêmes Celui qu’il a annoncé, Celui qu’il a montré du doigt, il va le révéler, et, en même temps, il va révéler son rôle à lui, rôle magnifique, mais essentiellement intérieur : il est l’ami de l’Epoux, Jésus est l’Epoux ; il a préparé ses noces, il assiste au mariage, il partage le bonheur mutuel, il n’a plus ni à parler, ni à agir.

Désormais, la grande joie du Précurseur est d’écouter Jésus, de recevoir son témoignage. Son grand désir, sa raison d’être est que d’autres le reçoivent, beaucoup d’autres. Il est l’ami qui veut la joie de l’Epoux, et qui la partage. Aller à Jésus, c’est s’unir à lui, le ravir. Voilà que Jean, l’ami de l’Epoux, se tient dans le silence, le silence de son rôle désormais, dans l’humilité aimante et ravie de son cœur d’ami qui ne regarde que l’ami, qui est suspendu à sa voix pour ne rien perdre de ses paroles. Il voit l’amour qui se donne, il voit la lumière qui rayonne, il voit la vie qui se répand, il voit l’Esprit que l’Epoux communique à l’Epouse, il voit l’Epouse, animée de cet Esprit, qui fait ce que fait l’Epoux, qui répète ses mots, ses gestes, son mouvement, et qui redit : Viens !, parce qu’il dit : Viens, qui vient à lui et se donne parce que l’Epoux vient à elle et se donne.

Jean voit cela, il est au comble de ses vœux, sa joie est totale ! Il est l’Epoux en même temps que l’ami de l’Epoux. Le Fils a épousé son âme quand ils étaient encore tous les deux au sein de leurs mères. Jean a vécu cette union tout au long de sa vie. Ce qu’il voit comme ami, c’est ce qu’il fait comme épouse. Il dit le spectacle dont il jouit en son cœur. Voilà pourquoi des années se sont écoulées sans que Jean ait eu un contact extérieur avec Jésus. A quoi bon ? La vie a été pour Jean un jour de noces, un mariage continuel, une union dont l’intimité ne s’est pas desserrée, mais au contraire a noué sans cesse des liens plus étroits.

Jean a vécu, il vit cela à jamais. Sa joie est complète, il en est comblé. Maintenant, il peut partir, son rôle terrestre est fini. Jésus, lui, doit grandir, et il faut que moi, Jean, je diminue.