Luc 3, 15-22

Le baptême de Jésus

Saint Pierre Chrysologue

Sermon 160

       Aujourd’hui, le Christ est entré dans le fleuve du Jourdain pour y laver le péché du monde. Jean lui-même atteste que c’est pour cela qu’il est venu : Voici l’Agneau de Dieu, voici celui qui efface les péchés du monde. Aujourd’hui le Seigneur se met sous la coupe de son serviteur : Dieu se soumet à l’homme, le Christ à Jean, puisqu’il vient pour recevoir le pardon au lieu de le donner. Aujourd’hui, comme dit le prophète, la voix de Dieu est au-dessus des eaux. La voix ? Quelle voix ? Tu es mon Fils, mon Bien-Aimé, moi, aujourd’hui, je t’ai engendré. Aujourd’hui, la voix de Dieu est au-dessus des eaux pour que la foi dans l’Engendré soit scellée par Dieu : le Père Lui-même témoigne de son Fils. Il sert Lui-même de répondant : Celui-ci est mon Fils Bien-Aimé, parce ce qu’il n’y en avait pas d’autre capable de rendre ce témoignage. Personne n’était en mesure de le faire comme le Père : personne ne connaissait le secret du Père. La génération divine ne connaît aucun témoin. La divinité n’a rien à apprendre de l’extérieur, comme le Fils le dit : Personne ne connaît le Fils si ce n’est le Père, et personne ne connaît le Père si ce n’est le Fils.

       Aujourd’hui, l’Esprit-Saint plane sur les eaux sous la forme d’une colombe ; elle est semblable à la colombe de Noé qui avait annoncé que les eaux du déluge universel s’étaient retirées. Par ce signe, on apprend que le naufrage perpétuel du monde a pris fin. La colombe Saint-Esprit ne porte pas, comme l’autre colombe, un rameau de branche d’olivier, mais elle répand sur la tête du nouveau Père de l’humanité l’huile de la nouvelle onction, pour que se réalise ce que le Prophète avait prédit : C’est pourquoi Dieu, ton Dieu, t’a oint, de préférence à tes compagnons, d’une huile d’allégresse. Aujourd’hui le Seigneur est au-dessus des eaux. On a raison de dire au-dessus des eaux plutôt que sous les eaux, parce que le Christ, dans son baptême, n’est pas soumis aux sacrements, mais leur commande. Aujourd’hui, le Dieu de Majesté a tonitrué : la voix du Père a retenti du haut du ciel. Et si le Père tonne du haut du ciel, si le Fils est dans les eaux du Jourdain, si le Saint-Esprit apparaît  corporellement dans le ciel, pourquoi le Jourdain qui a fui la présence de l’arche de la Loi ne redoute-t-il pas la présence de la Trinité ? Pourquoi ? Parce que celui qui rend témoignage en toute piété apprend à ne plus craindre. Ici la Trinité répand la totalité de sa grâce, dit tout l’amour qui existe entre les personnes. Au temps de Josué, l’arche a mis en déroute les éléments pour enrégimenter des serviteurs mus par la peur ; mais au milieu de ces prodiges, Jean resta là intrépide, impavide, parce qu’il ne peut pas craindre celui qui, comme en fait foi un témoignage angélique, n’est né que pour le seul amour de Dieu.