Romains 4, 1-25

Abraham crut, cela lui fut compté

Père Marie-Josèphe Lagrange

Epître aux Romains, p. 81s

       Il faut toujours répéter que le génie de saint Paul, les lumières qu’il reçut de Dieu ne parurent jamais mieux que dans l’accord qu’il perçut entre les deux Testaments. Si préoccupé qu’il soit de montrer l’originalité du christianisme, il ne le détache jamais complètement des anciens desseins de Dieu, ou plutôt les desseins de Dieu, toujours les mêmes, sont seulement aujourd’hui mieux connus et réalisés par l’œuvre de Jésus-Christ. Aussi a-t-il eu soin de maintenir la prérogative des Ecritures, et, en révélant la nouvelle justice, il a eu soin de dire qu’elle avait été attestée par la Loi et les Prophètes. C’était s’obliger à la retrouver dans l’Ecriture, non point à l’état de chose réalisée, mais à l’état de chose promise, obtenant déjà ses effets par la foi. Abraham, le père des croyants, était tout indiqué comme objet de cette démonstration. Il n’y est point traité directement de la manière dont Abraham reçut la justice, ni du changement qui dut se produire alors dans l’âme d’Abraham. L’essentiel est qu’Abraham, dont personne ne conteste qu’il eût été juste, a été reconnu par l’Ecriture à cause de sa foi. Il n’est donc pas arrivé à la justice par les œuvres. Sur quoi Paul, comparant la formule dont la Genèse se sert pour Abraham, et celle dont s’est servi David dans les psaumes à propos du pécheur pardonné, montre qu’elles excluent les œuvres et supposent que la justice vient de Dieu. Mais il ne s’arrête pas à a considération du comment qui n’est qu’en marge de son sujet principal. La justice d’Abraham, qui ne vient pas d’œuvres personnelles, serait-elle le fruit de la circoncision ? Non, car il la possédait avant l’institution de la circoncision, qui n’en est que le signe, de telle sorte qu’Abraham est le père des croyants, même des incirconcis, pourvu qu’ils participent à sa foi.

       Cette paternité universelle d’Abraham rappelle à Paul la promesse faite au père des croyants, et à sa postérité, d’être l’héritier du monde. Pour saint Paul, la promesse ne peut dépendre de la Loi, ni de l’observation de la Loi, sans cela elle n’aurait jamais été réalisée. La promesse est complètement gratuite ; elle est l’objet de la foi, par conséquent antérieure à la foi, mais la foi y adhère, et elle est par là utile à ceux qui croient. Paul s’étend alors avec admiration sur cette foi d’Abraham, si parfaite, qui amena l’expression satisfaite de l’Ecriture, que cela lui fut compté. Mais tandis qu’Abraham croyait en la promesse, nous croyons, nous, en Jésus livré pour nous.