Isaïe 11, 10-16

L’écoute et le regard : Augustin à l’école d’Ambroise

Annie Wellens

Ambroise de Milan et les défis du politique, p. 86s

       En 386, dans un jardin de Milan, Augustin aurait-il pu entendre ce qu’il prend d’abord pour une comptine chantonnée par une voix de jeune garçon ou de jeune fille : Prends et lis, sans avoir, depuis deux  ans, regardé lire Ambroise après l’avoir écouté dans ses prédications ? Tout un chemin se dessine : Ce que j’ai commencé à aimer d’abord en lui, ce ne fut pas le docteur d’une vérité que je désespérais désormais de trouver dans ton Eglise, mais un homme bienveillant à mon égard. Augustin reconnaît que son premier souci fut d’écouter Ambroise pour vérifier la qualité de son art oratoire. Cependant, en même temps que les mots qui lui importent beaucoup, des choses dont il faisait peu de cas s’insinuent dans son esprit : Tandis que j’ouvrais mon cœur pour guetter la beauté de sa parole, en même temps entrait la vérité de sa parole, par degrés toutefois.

Le travail intérieur ne cesse pas : Augustin abandonne les manichéens, goûtent aux penseurs septiques, mais à ces philosophes pourtant, à qui était extérieur le nom du Christ, je refusais absolument de confier le soin des langueurs de mon âme. Augustin résolut donc de rester  tout le temps voulu catéchumène dans l’Eglise catholique, qui, à mes yeux, se recommandait de mes parents, jusqu’à temps qu’une certitude vînt briller pour diriger ma course. Augustin note qu’Ambroise n’était pas disponible pour s‘occuper de mes bouillonnements intérieurs, mais la parole pédagogue, à travers les prédications dominicales, continue de travailler en lui, et d’heureuse façon : Dans ses sermons, Ambroise répétait, comme s’il mettait toute sa ferveur à prescrire cette règle : La lettre tue, mais l’esprit vivifie ; de l‘entendre me remplissait de joie. De ces textes, il soulevait le voile et mettait à jour le sens spirituel.

       Augustin ne se contente pas d’écouter Ambroise prédicateur, il le contemple comme lecteur silencieux, et ce silence actif ne l’enseigne pas moins que la parole vive : Quand il lisait, ses yeux parcouraient les pages, le cœur scrutait le sens, mais sa voix et sa langue se tenaient en repos ; nous l’avons vu lire ainsi, en silence. Aucun d’entre nous n’osait interrompre un homme aussi absorbé. La présence constructive d’Ambroise envers ceux qui l’écoutaient parler ou le regardaient lire ne pouvait que susciter l’admiration et le respect de tous. Augustin, lui, se convertira.