Isaïe 41, 8-20/Luc 1, 5-25

Diptyque des annonciations

Abbé René Laurentin

Structure et théologie de Luc I-II, p. 34s

       Selon l’usage normal, Zacharie est nommé avant son épouse. Cet ordre est inversé dans l’Annonciation à Marie. Marie y est nommée avant Joseph ; dans la suite, Marie gardera cette place de premier plan, Joseph, lui, restera très effacé, ce qui fait contraste avec l’évangile de l’Enfance selon saint Matthieu.

       L’éloge des personnages qui commence chacun des diptyques, laisse entrevoir la supériorité qui appelle pour Marie la première place. Les parents de Jean-Baptiste sont justes devant Dieu, marchant dans tous les commandements et ordonnances du Seigneur de manière irréprochable ; Marie, elle est objet de la faveur de Dieu : d’une part les observances de la Loi, de l’autre la grâce d’en-haut. Les contacts de Luc avec saint Paul donnent à penser que ce contraste objectif entre Loi et grâce a été perçu par saint Luc. Avec Marie, le statut qui caractérise les temps nouveaux est commencé. La suite du développement continue de l’insinuer : Ne crains pas, Zacharie, cat ta prière a été exaucée ; Ne crains pas, Marie, car tu as trouvé grâce. D’un côté l’exaucement d’une prière, de l’autre l’initiative divine. On notera que cette supériorité dans l’ordre de la grâce renverse la supériorité établie dans l’ordre extérieur : Zacharie est un prêtre qui exerce les plus hautes fonctions dans la ville sainte, le lieu saint ; Marie est une humble femme perdue dans une bourgade et une province méprisée.

       Au foyer du prêtre, la stérilité était une opprobre ; pour la Vierge, l’effet du propos de ne pas connaître d’homme. Jean-Baptiste sera conçu de manière naturelle et terrestre ; Jésus, de manière surnaturelle et céleste. Dans le prolongement de ce trait, la joie lors de la naissance de Jean-Baptiste est une joie humaine et terrestre ; mais à la naissance du Christ, la joie vient du ciel, proclamée aux hommes par les anges, tandis que se manifeste la gloire divine.

       Tandis que Zacharie est blâmé pour son manque de foi, Marie est louée pour sa foi : Tu seras muet parce que tu n’as pas cru à mes paroles qui s’accompliront ; Bienheureuse celle qui a cru car les paroles du Seigneur auront leur accomplissement.

       Enfin, ironie sur laquelle s’achève le diptyque des annonciations : Zacharie, frappé de mutisme, est hors d’état de donner une réponse, tandis que Marie affirme son adhésion active de foi à la parole de Dieu : Je suis la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta parole.