Isaïe 8, 23b-9,6

« Le peuple qui marchait dans les ténèbres… »

Père Jean Giblet

Grands thèmes bibliques, p. 42s

       La catastrophe de 587 marque une date capitale dans l’histoire du peuple de Dieu : la ville de Jérusalem tombe sous les coups de Nabuchodonosor ; c’est la ruine du Temple, l’exil, la destruction de toutes les institutions d’Israël, les ténèbres totales. Au peuple dépouillé de tout, des prophètes vont apporter un message d’espérance. Les signes et les gages de l’Alliance, le Temple et la Royauté sont détruits, les ténèbres sont profondes, mais il reste Dieu qui est fidèle et qui, pour son peuple humilié, contrit, réalisera ses promesses : il marchait dans les ténèbres, une grande lumière va luire à l’horizon. Dieu est Celui qui n’abandonne jamais. Et de fait, un jour parut l’aube de la libération : des colonnes d’exilés rentrèrent au pays et commencèrent à reconstruire avec foi. Il n’était pas question de reprendre les manières de faire qui avaient conduit au désastre. Le peuple, privé de ses prérogatives politiques, s’organisera religieusement ; les lois de Moïse et les antiques coutumes d’Israël, les oracles des anciens prophètes et les législations idéales forgées en exil vont le guider. On essayera de reformer le Qahal, la Communauté du désert.

       Cependant, la conscience des carences, le sens aigu du mal agissant en ce monde, vont conduire vers de nouveaux horizons. Loin d’abattre la vision des violences déployées, notamment sous Antiochos IV, le spectacle des faiblesses de trop de Juifs apeurés, amènent à rêver de ces temps futurs dont les prophètes avaient parlé. Un peuple nouveau paraîtra, et alors seulement revivra avec éclat la communauté du désert. Ce sera un immense don divin, une réalité proprement céleste où les fidèles seront introduits par grâce. Le peuple nouveau sera invité à célébrer la liturgie céleste avec les anges et les saints, et l’on connaîtra Dieu. Tous les peuples y seront invités, et le peuple de Dieu sera dilaté jusqu’aux extrémités du monde. Tandis que certains milieux s’enferment dans le radicalisme et un nationalisme ombrageux, les pauvres aspirent à la venue de l’Envoyé divin qui établira le nouveau peuple de Dieu.

       A la veille du Nouveau Testament, ils sont peu nombreux sans doute à vivre de cette espérance, et petit à petit le peuple a semblé se restreindre : de Moïse à l’exil et aux pauvres de Dieu s’est affirmée la doctrine du petit reste. Ils sont tournés vers le Celui en qui tout va se résumer et duquel tout va naître : Jésus-Christ.