que ta parole nous releve

Saint Bernard

Traités ascétiques, traité III, OC 5, p. 283s

       Sois pour nous, Seigneur, en ce début de nouvelle année, comme la rosée afin que nous germions comme le lys. Une fois partie, ta parole ne sait pas revenir vide, mais elle réussira à produire ce pour quoi tu l’envoies. Sous la fraîcheur des flots qu’elle répand, le sapin monte à la place de la plante sauvage, et le myrte croît à la place de l’ortie. Elle obtient ses heureux effets quand elle redresse et élève ceux qui sont à terre, quand elle adoucit et modère les ardeurs de la chair, quand elle remet dans la paix ceux qui étaient dans le désespoir et place leurs pensées dans le ciel, quand elle adoucit ceux qui étaient courroucés, et les rend conformes à ceux qui sont doux. Agréable est cette visite, mais elle est semblable à la nuée du point du jour, à la rosée ne dépassant pas la matinée qui l’a fait naître. C’est avec raison que l’on compare à la rosée du matin la contemplation et l’extase que l’on éprouve dans la chair, quelques grandes qu’elles soient. Elles ont, je ne sais quoi, ou plutôt elles ont beaucoup de la fraîcheur de la nuit à cause de leur affection moins fervente, et quelque chose aussi des ténèbres de la nuit à cause de l’obscurcissement de l’intelligence. Mais si elles se font sentir le matin, pourquoi sont-elles passagères ? Passagères en s’éloignant de nous, ou bien passagères en passant et pénétrant en nous ? La parole de Dieu est vive et efficace, elle est plus incisive qu’une épée à deux tranchants, elle ne marque pas seulement la peau en-dehors, mais elle arrive jusqu’à l’intérieur, jusqu’à la moelle des os qu’elle inhibe. Ses accents sont plus doux que l’huile et ils sont des aiguillons. Est-ce pour cela que, si le cœur de l’homme était étendu comme le ciel, il serait plié comme un livre, et qu’il se liquéfiera comme la fumée ? Que chacun l’explique dans son avis, comme il l’éprouve dans l’expérience qu’il en fait : le parfait, parce que cette parole pénètre en lui et y répand son onction ; celui qui progresse parce qu’elle le dépasse et vole au-delà de lui. Elle nous dépasse, afin de nous attirer auprès d’elle et de nous faire courir vers elle, comme si elle nous disait en fuyant : Venez vers moi, vous qui me désirez.