L’Immaculée, remplie d’huile virginale

Saint Bernard

Deuxième sermon pour l’Assomption de la Vierge Marie, OC III, p. 382s

       Voulant faire comprendre qu’en Marie il s’agissait d’une habitation virginale, le Saint-Esprit ne fit aucune mention de pénitence, laquelle vient nécessairement après le péché. Il s’en faut bien, en effet, qu’on puisse dire qu’elle ait été souillée en quoi que ce soit. Supposez que Marie eut contracté de ses parents la faute originelle, la piété chrétienne ne nous permet pas de croire qu’elle fût moins sanctifiée que Jérémie dans le sein maternel, et moins remplie de l’Esprit-Saint que saint Jean, dès le sein de sa mère ! Quand on sait, à n’en point douter, que Marie a été purifiée, par la grâce toute seule, de la faute originelle que maintenant la grâce ne lave que dans les eaux du baptême, et que la pierre de la circoncision enlevait seule autrefois, s’il faut croire, comme il y a piété à le faire, que Marie ne commit jamais un seul péché actuel, il s’en suit nécessairement qu’elle ne connut jamais non plus le repentir.

       Toute la beauté de la fille du roi est à l’intérieur, ce qui n’empêche point qu’elle ne soit, au dehors, parée de vêtements de toutes sortes. Elle n’est point du nombre des vierges insensées, c’est une vierge prudente qui a sa lampe et de l’huile dans son vase. Auriez-vous oublié la parabole de l’évangile qui nous représente les vierges insensées exclues de la salle des noces ? Leur demeure était pure, puisqu’elles étaient vierges ; elle était ornée puisque toutes, sages et insensées, avaient préparé leurs lampes, mais celles des insensées étaient vides puisqu’elles n’avaient point d’huile dans leur vase. C’est à cause de cela que l’Epoux n’a voulu, ni être reçu par elle dans leurs maisons, ni les recevoir elles-mêmes dans la salle de ses noces. Il n’en fut pas ainsi de la femme forte qui a écrasé la tête du serpent, car, entre autres éloges qui sont faits d’elle, il est dit dans le Livre des Proverbes : Sa lampe ne s’éteindra point pendant la nuit. C’est une allusion aux vierges insensées qui, au milieu de la nuit, au moment où l’Epoux arrivait, se plaignent, mais bien tard, et disent : Nos lampes se sont éteintes. La glorieuse Vierge Marie s’est donc avancée avec sa lampe allumée, et fut, pour les anges mêmes, un tel sujet d’étonnement, qu’ils s’écriaient : Quelle est celle qui s’avance comme l’aurore à son lever, belle comme la lune, éclatante comme le soleil. En effet, ils voyaient briller plus que les autres celle que Jésus-Christ, son Fils et Notre Seigneur, avait remplie de l’huile de sa grâce, bien plus que toutes ses compagnes.