2 Maccabées 6, 18-31

Le martyr d’Eléazéar

Origène

Exhortation au martyre, 22-23

       Il est utile de se souvenir des paroles de Salomon : J’ai jugé les morts plus dignes de louange que tous ceux qui vivent encore aujourd’hui. Mais, parmi les morts, en est-il un seul qui mérite plus d’éloges que celui qui s’est précipité au-devant du trépas librement et volontairement par la foi ? Tel fut Eléazar, qui, préférant une mort glorieuse à une vie déshonorée marchait volontairement au supplice. Il considérait avec calme et fermeté ce qu’exigeait de lui l’autorité de sa longue vieillesse, l’honneur dû à ses cheveux blancs, quatre-vingt-dix années d’une vie innocente et sans tache depuis son enfance, et surtout la loi sainte établie par Dieu. A mon âge, disait-il, feindre serait indigne de moi : je ferais croire à une multitude de jeunes gens qu’Eléazar, à quatre-vingt-dix ans, a embrassé la vie des Gentils : ils seraient trompés par cette ruse, et pour un faible reste de cette vie corruptible j’attirerais sur ma vieillesse la honte et l’exécration. Et quand j’échapperais maintenant aux supplices des hommes, ni durant ma vie, ni après ma mort, je ne pourrais fuir la main du Tout-Puissant : mais en mourant avec courage, je me montrerai digne de ma vieillesse. Je laisserai aux jeunes gens un exemple de fermeté qui leur apprendra à subir comme un devoir, avec ardeur, avec intrépidité, une mort glorieuse pour nos justes et saintes lois. Je vous en conjure, quand vous toucherez aux portes de la mort, ou plutôt de la liberté, surtout si l’on vous prépare des tortures, dites au Seigneur qui possède la science infaillible : Vous savez que j’aurais pu éviter le supplice, et que je souffre dans mon corps de cruelles douleurs ; mais mon âme les endure avec joie pour votre crainte. Telle fut la mort  d’Eléazar qui laissa non seulement aux jeunes gens, mais à toute la nation, un grand exemple de vertu et de fermeté dans le souvenir de sa mort.

       Ses frères, au nombre de sept, dont les livres des Maccabées nous ont conservé la mémoire, et qui persévérèrent dans la religion, malgré tous les genres de tortures que leur fit subir Antiochus, pourront nous offrir un illustre exemple du plus courageux martyr, si nous voulons demander à nous-mêmes : Montrerai-je plus de faiblesse que ces enfants, dont chacun, non seulement dans ses propres tourments, mais encore à la vue des supplices de ses frères, fit preuve de tant de courage et d’intrépidité ?