Actes 28,16-31 ou 1 Pierre 2,1-17 ou Apocalypse 21,9-27

La basilique et la suite

Père François Cassingena-Trévedy

Les Pères de l’Eglise et la Liturgie, Chapitre IV : L’expérience, p.314s

 

       On chante les psaumes à la maison et on les emporte au marché, remarque Basile de Césarée. Et Sévère d’Antioche de recommander : Fais de ta maison une église. En pasteurs qu’ils sont à tous égards et, qui plus est, en raison de la haute tenue de leur vie spirituelle et des exigences qu’ils ont pour eux-mêmes, les Pères ne peuvent manquer d’envisager avec une sollicitude particulière et constante l’après-liturgie. Ce peuple qui est venu à la basilique, qu’ils ont eu quelques heures sous les yeux et qui les écoute ordinairement avec bien autre chose que la simple bonne grâce, ce peuple, ils le savent, est fragile comme il le sera toujours. Que va devenir chaque baptisé ? Que va-t-il faire autour de lui et en lui-même de ce qu’il a reçu ? Non pas tant des paroles de l’homélie, bien sûr, que de la Parole elle-même, quotidiennement entendue parfois, et du mystère, du sacramentum au sens le plus compréhensif dans lequel la liturgie l’a plongé ? Que va-t-il faire du Christ, en définitive, au-dehors comme au-dedans ?

       De l’aveu même de saint Léon le Grand, le plus grand péril qui guette la liturgie n’est pas tant l’absentéisme pur et simple que le manque de cohérence existentielle, autrement dit la faillite d’une communion authentique avec le Christ et son mystère pascal. C’est d’abord fondamentalement dans cet accord sacramentel, existentiel et mystique que consiste la participation des fidèles. Les actes sur lesquels débouchent la liturgie, ou plutôt qui en assurent la célébration perpétuelle, ne relèvent pas d’une sorte d’activisme extraverti, mais beaucoup plus radicalement, de l’actualité du Christ pascal dans le chrétien ; le premier passage à l’acte, le premier passage à la vie, après la liturgie, ou plutôt dans la logique de la liturgie, c’est le passage à la vie  en Christ, ou, ce qui revient au même, à la vie du Christ en chaque baptisé. La célébration débouche sur une suite du Christ et la postule. Il faut, écrit saint Grégoire le Grand dans ses Dialogues, quand nous célébrons, nous immoler à Dieu par la contrition du cœur, car nous qui célébrons les mystères de la Passion du Seigneur, nous devons imiter ce que nous faisons. Ce sera donc une véritable hostie offerte à Dieu pour nous, si elle fait de nous-mêmes une hostie.