1 Maccabées 1, 1-25

Les livres des Maccabées

Marie-Françoise Baslez

La rédaction de la Bible à l’époque perse, Le Monde de la Bible 137, p. 30

 

       On possède deux histoires de la guerre des Maccabées. La plus ancienne fut composée dans la diaspora d’Egypte par Jason de Cyrène, un Juif hellénisé, et on en fit un abrégé avent 125. La plus récente date de l’apogée des grands-prêtres hasmonéens, vers 100, et l’auteur, un scribe du Temple, s’attache à l’histoire glorieuse de cette famille qui mena la guerre de libération avant de mettre en place un  Etat juif indépendant. Celui-ci écrit une histoire politique, alors que Jason s’attache davantage aux enjeux  théologiques et culturels. Tous deux font réellement œuvre d’historien et citent intégralement un grand nombre de documents. Leur lecture des événements est différente, puisque le scribe du Temple attribue la responsabilité du conflit au seul roi séleucide et à l’oppression impérialiste ; au contraire, Jason met en cause certains Juifs de Jérusalem, en relevant les tensions entre traditionnalistes et Juifs hellénisés. Ainsi la Bible n’exprime pas une pensée unique, mais reflète le point de vue de différentes communautés. Les deux livres des Maccabées ne se complètent, ni ne se juxtaposent. Ce sont bien plus que de simples chroniques. Ils ont fourni des modèles et des références identitaires durables, ils ont même créé une tradition littéraire puisque les Juifs d’Alexandrie composèrent par la suite un troisième, puis un  quatrième livre des Maccabées pour rendre compte des persécutions locales.

       C’est aussi le deuxième livre des Maccabées, et le livre de Daniel qui ont fondé la première théologie du martyre, particulièrement développée dans les versions grecques. A ce titre, les deux livres des Maccabées ont leur place dans les Bibles chrétiennes, alors que le canon hébraïque n’a conservé de cette période que le livre de Daniel et celui d’Esther. Produits de la révolte contre les rois grecs, le livre de Daniel et le deuxième livre des Maccabées manifestent un sens nouveau de l’histoire. L’histoire universelle, à travers la succession des empires, est perçue comme une décadence continue, qui culmine à l’époque grecque, sous le règne d’Antiochos IV, le profanateur du Temple, le pire des rois. Les grandes visions apocalyptiques du livre de Daniel inaugurent une conception nouvelle de l’histoire : embrassant le passé, le présent et l’avenir dans une perspective continue dont elle relève la fin ultime ; c’est une histoire linéaire, différente de celle des grecs qui était conçue comme un perpétuel recommencement. Elle s’inscrit dans le plan de Dieu, qui est pensé comme le combat entre le bien et le mal. Pour la première fois, le temps est totalement maîtrisé et un terme est posé à l’histoire des hommes.