Siracide 3,17 – 4,10

« Mon fils, ne refuse pas au pauvre sa subsistance »

Père A. M. Henry

Rompre son pain avec celui qui a faim, VS 96, 1957, p. 264s

 

       On ne donne libéralement et librement, sans espoir de retour, que si l’on a placé sa confiance ailleurs qu’en l’homme, c’est-à-dire en Dieu. C’est sur Dieu et sur Dieu seul qu’il faut s’appuyer, non seulement d’ailleurs pour attendre le pain du lendemain, quand on a tout donné, ou beaucoup, mais aussi pour attendre, ou plutôt espérer, la conversion ou le bien spirituel que l’on voudrait obtenir en celui à qui l’on donne. Celui qui fait l’aumône doit être libre intérieurement de cette sorte de souci « commercial », le pire de tous, qui n’accepte de donner que moyennant… l’âme de celui qui reçoit ! Il doit suffire à celui qui donne de considérer qu’il donne au Christ, et c’est sa récompense. Saint Martin n’a pas su si le pauvre avec qui il avait partagé son manteau s’était amélioré, mais il a vu le Christ revêtu de ce demi-manteau. Tant pour l’autre que pour nous-même, l’aumône nous exerce à appliquer la parabole des lys des champs et des oiseaux du ciel.

       Aussi le secret de la bonne aumône consiste-t-il à la faire dans le secret. Laissons à Dieu nos comptes, nos calculs d’intérêts aussi bien temporels que spirituels. Celui qui porte publiquement son trésor, dit saint Grégoire, désire se faire voler. Et de même celui qui manifeste ostensiblement sa bonne intention se prête à se faire voler par le diable ses mérites. Car les mérites disparaissent lorsqu’on cherche la satisfaction d’être vu et d’être applaudi dans ce que l’on fait de bien. Celui donc qui ne se garde pas à l’abri des louanges humaines ne saura protéger son zèle contre les mauvais esprits, poursuit saint Grégoire. Faisons le bien, mais gardons-nous de le faire savoir indiscrètement. Ainsi font les hypocrites, dans les synagogues et dans les rues, afin d’être honorés des hommes ; en vérité, je vous le dis, ils ont déjà reçu leur récompense. Faible récompense en vérité que celle de la louange des hommes si elle nous prive de la récompense de Dieu. Efforçons-nous donc de ne pas prendre à l’avance notre récompense, afin de la recevoir entière au dernier jour. Gardons notre main ouverte, et ne retenons pas, même en désirant le compter, le capital de nos bonnes œuvres afin qu’il fructifie dans le secret de Dieu.