Siracide 29,1-13 + 31,1-4

Les richesses dessèchent le cœur

Saint Ambroise de Milan

Richesses et pauvreté ou le livre de Naboth, p. 25s

 

        Pourquoi estimes-tu, pendant ta vie, devoir abonder en richesses ? O riche, tu ne sais pas combien tu es pauvre, combien tu sembles indigent à tes propres yeux, toi qui tu dis riche ! Plus tu possèdes et plus tu désires, et quelques que soient tes acquisitions, tu crois toujours manquer d’autre chose. La gain excite et n’apaise jamais l’avarice. La convoitise a comme des degrés : plus on monte, plus on se hâte d’en monter ; mais de ce faîte, la chute sera d’autant plus dommageable à celui qui en sera précipité. La ruine eût été plus supportable si ce malheureux avait possédé moins de biens ! Il cherchait une joie modérée dans la contemplation de sa fortune et voilà que l’augmentation de sa convoitise s’accroît avec l’arrivée de son héritage ! Il ne veut pas être indigne en ses vœux, pauvre en ses désirs. Il joint ensemble ces deux sentiments exécrables : augmenter sa prétentieuse attente de riche et ne pas renoncer à l’amour de la mendicité. En un mot, l’Ecriture Sainte nous apprend que celui qui est lamentable dans le besoin mendie indignement.

       Il y avait en Israël le roi Achab et le pauvre Naboth. Celui-là regorgeait des richesses du Royaume, celui-ci possédait la surface d’un petit terrain. Le pauvre n’a rien convoité des propriétés du riche ; le riche s’est senti manquer de quelque chose parce que son pauvre voisin possédait une vigne. Lequel te paraît pauvre : celui qui est content de son bien, ou celui qui désire le bien d’autrui ? L’un est pauvre de fortune, l’autre est pauvre de sentiment. Le riche n’a pas conscience de manquer de sentiment : l’abondance de fortune ne peut pas remplir un cœur d’avare. C’est pourquoi le riche, enflammé dans sa convoitise d’un bien, cherche querelle à la pauvreté.

       Ecoutons ce qu’Achab dit à Naboth : Donne-moi ta vigne. La voix d’un indigent est-elle différente ? Le mot du mendiant d’une aumône sur la place publique est-il autre que Donne-moi ? Certes, mais pour lui, il dit  donne-moi parce que j’ai besoin, donne-moi parce que je ne puis avoir un autre secours pour vivre, donne-moi parce que je n’ai ni pain à manger, ni ressources pour me procurer de la boisson, des aliments, des vêtements, donne-moi parce que tu dois donner ce que le Seigneur t’a départi, et à moi il n’a rien donné, donne-moi parce que si tu ne donnes pas je ne pourrais rien avoir, donne-moi parce qu’il est écrit : Fais l’aumône.

Par contre, les mots d’Achab sont indignes et méprisables ! Ils n’ont pas le sens de l’humilité, mais l’échauffement de la convoitise. Les proférer est le comble de l’impudence ! Les richesses ne dessèchent-elles pas le cœur de l’homme ?