Siracide 11, 12-28

Ma méthode d’oraison

Sainte Thérèse d’Avila

Œuvres complètes, Vie écrite par elle-même, chapitre IX, p. 88

 

       Ne pouvant discourir à l’aide de l’entendement, je m’appliquai à me représenter le Christ au-dedans de moi. Mon âme retirait plus de profit, ce semble, à le considérer dans les circonstances où il s’était trouvé isolé. Je pensais que là, se trouvant seul et affligé, il devait, à cause même de sa détresse, m’accueillir auprès de lui. J’avais beaucoup de simplicité de ce genre. Je me plaisais surtout à méditer sa prière au jardin des Oliviers. C’est là que j’aimais à lui tenir compagnie. Je considérais sa sueur de sang et la tristesse où il était tombé alors. J’aurais désiré, si j’avais pu, essuyer cette sueur qui lui a tant coûté. Mais, je m’en souviens, je n’ai jamais osé m’y déterminer. J’étais arrêtée par le souvenir de mes infidélités si graves. Je restais ainsi en sa compagnie aussi longtemps que mes pensées me le permettaient, car il y en avait beaucoup qui faisaient mon tourment.

       Durant de nombreuses années, presque tous les soirs, avant de m’endormir, je recommandais mon sommeil à Dieu, et je méditais toujours un instant sur la prière de Notre Seigneur au jardin des Oliviers. Mon âme y trouva le plus grand profit, puisque je commençai ainsi à faire oraison, sans même savoir ce que c’était ; par suite de l’habitude, j’étais aussi fidèle à cette pratique qu’à faire mon signe de croix avant de prendre mon sommeil.

       Je ne pouvais que penser à Notre Seigneur dans son humanité. Et encore, il ne m’a jamais été possible de me le représenter. En vain, je lisais la description de sa beauté, ou je contemplais ses images, je n’y parvenais pas. Figurez-vous quelqu’un qui est aveugle, ou qui est dans l’obscurité. Il parle à une personne, il sait qu’il est en sa présence, parce qu’il a la certitude qu’elle est là ; il comprend, il croit qu’elle est là, mais il ne la voit pas. Ainsi en était-il de moi quand je pensais à Notre Seigneur. Voilà le motif pour lequel j’aimais tant les images. Hélas ! Qu’ils sont malheureux ceux qui, par leur faute, se privent d’une ressource aussi précieuse ! On voit bien qu’ils n’aiment pas Notre Seigneur. S’ils l’aimaient, ils seraient contents de voir son portrait, car même ici-bas c’est une joie de voir le portrait d’un ami.