Jude 1-25

La Croix, Marie et Jean

Adrienne von Speyr

La servante du Seigneur, p. 144s

 

       La relation de Marie et de Jean est toute ouverte au Seigneur. Mais cette ouverture jaillit de la plaie ouverte au côté du Christ, de l’éclatement produit par la souffrance de la Croix. Tous deux sont sur le point de perdre le Seigneur comme homme, et ils le savent l’un et l’autre. Marie perd le fruit de son corps, le Fils, pour lequel elle a vécu, qu’elle a élevé, dans lequel elle a vu le sens de son existence ; Jean perd l’ami bien-aimé qui l’a appelé, choisi et initié à tous les mystères divins de son amour, l’ami sur la poitrine duquel il a pu reposer. Tous deux, malgré la grâce qui les acccompagne dans cette souffrance partagée avec le Fils, se tiennent devant la fin apparente comme devant un abîme. Humainement, la courbe de leur vie s’incline avec celle du Fils vers la mort et les enfers. Quant à eux, dans leur union avec lui, ils sont prêts à se laisser vaincre par la mort et à l’accompagner jusqu’à la fin.

Mais, pour tous deux, le Seigneur transforme cette fin en un nouveau commencement qui leur est commun. Jusqu’ici leur mission avait été caractérisée par la vie terrestre du Seigneur, par le Fils et l’ami. Certes, il ne cessait de faire transparaître le divin et l’infini, de faire voir le Père et de le rendre crédible, il montrait qu’il venait du Père et allait à lui. Tout cela pourtant avait la forme de la mission terrestre, et maintenant cette période de la mission touche à sa fin. Mais le Seigneur ne les laisse pas goûter cette fin jusqu’au bout, il commence ici et surtout quelque chose de neuf.

Comme toujours, il pousse à quelque chose de neuf, de plus grand, de divin. De même qu’il n’a pas permis à celui qui l’interrogeait d’enterrer son père mort et de l’accompagner jusqu’au bout, avant même d’être mort, il fait surgir de sa mort la vie nouvelle. La nouvelle fécondité qui se manifeste à présent est celle de l’état de perfection. Rien ici qui rappelle le mariage. La fécondité ne suppose plus les formes terrestres, le résultat n’est pas un fruit visible. L’unique condition requise est la participation à la Croix sous des formes si diversifiées qu’elles échappent à toute mesure, aussi bien que le fruit invisible.