Baruch 3,9-15 + 3,24-4,4

La Sagesse, prérogative d’Israël

Dom Jean Le Moyne

Prophètes, Baruch, SDB, tome VIII, colonne 731s

 

       La lecture du passage du livre du prophète Baruch que nous venons d’entendre, passage fort original, est un poème de Sagesse. Certains thèmes de la littérature sapientielle y sont repris de façon très personnelle. L’auteur s’intéresse, non pas au sort des individus, mais à l’ensemble du peuple. Israël est envisagé  dans sa situation présente, principalement ses malheurs dus à l’abandon de la Sagesse, dans son avenir de paix et de longue vie si le peuple revient à la Sagesse, enfin dans son passé ; il y a là un raccourci de toute l’histoire de la Révélation. La Sagesse est identifiée avec la Torah ; le don de la Torah au Sinaï et sa présence active au milieu du peuple élu sont présentés comme une existence de la Sagesse parmi les hommes. La Sagesse est poétiquement personnifiée ; elle a des rapports avec les Israélites.

       Peut-on parler d’une habitation de la Sagesse dans le ciel ? Certes au verset 29 du chapitre trois, il est écrit Qui monta au ciel pour la saisir et la faire descendre des nuées ? Il y est donc question du ciel et des nuages ; mais immédiatement après, au verset 30, on parle de la mer : Qui passa la mer pour la découvrir et la rapporter au prix d’un or très pur ? Baruch ne veut pas, semble-t-il, indiquer une présence de la Sagesse ni dans le ciel, ni dans la mer. Ce n’est pas l’endroit où se trouve la Sagesse qui l’intéresse, mais le fait que l’homme ne peut, de ses propres forces, l’acquérir. C’est donc le caractère d’inaccessibilité qui est ici en jeu, comme dans tout l’ensemble de cette partie. Pour exprimer cette idée, Baruch fait appel au Deutéronome (30,12-13) : Elle n’est pas dans les cieux, qu’il te faille dire : Qui montera pour nous aux cieux nous la chercher, que nous l’entendions pour la mettre en pratique ? Baruch en utilise les images, et aussi la perspective profonde puisque dans le Deutéronome il est question de la Torah, de la Loi, et qu’il identifie Sagesse et Torah.

       Cette fusion intime entre histoire et sagesse dénote une ambiance tout à fait semblable à celle du Siracide (chapitre 24), le Discours de la Sagesse. La description de la Sagesse comme intermédiaire en quelque sorte entre Dieu et le monde, ce qui tient une grande place dans les Proverbes (8) et encore dans le Siracide (24), n’apparaît pas dans Baruch. Il parle tout simplement de quelques œuvres du Créateur avec du reste un optimisme qui rappelle Job. Mais les réflexions sur les rapports entre l’homme et Dieu, vus sous l’angle d’une connaissance de la Sagesse, l’intéressent beaucoup plus que la considération du cosmos et des créatures.