Esther

Le sceptre d’or

Jean Tauler

Sermons, tome 3, sermon pour le 4ème dimanche de la Trinité , p. 180s

 

       Mon cher enfant, quand tu es à l’épreuve abandonne-toi, garde confiance en Dieu, sans aucun doute il te délivrera. Demeure dans l’humilité et dans une crainte rspectueuse. Etends la main de ton désir uniquement vers l’être transcendant, simple et pur qu’est Dieu, et ne t’attache à rien de tout ce qui est moins que lui. Contiens-toi bien, ne brise rien, ne te libère pas avec violence : le mieux viendra bientôt, il n’a jamais été si proche, et cela te sera bon ! Mais ne t’en soucie pas, n’aie d’autre pensée que de faire la volonté de Dieu, et de souffrir, dans cette volonté, ta pitoyable misère aussi longtemps que cela lui plaira, et quoi qu’il advienne de toi.

       Ayant trouvé l’âme dans une misère sans consolation, Dieu fait pour elle ce que fit le roi Assuérus, nous dit l’Ecriture, quand il vit la bienheureuse et bien-aimée Esther paraître devant lui, le visage pâle, perdre connaissance et s’évanouir ; il lui tendit alors le sceptre d’or, se leva de son trône royal, l’entoura de ses bras, l’embrassa, et lui offrit la moitié de son royaume. Cet Assuérus, c’est le Père du ciel quand il voit devant lui l’âme bien-aimée, le visage défait, privé de consolation, prête à s’évanouir et toute affaissée. Il lui présente alors son sceptre d’or, se lève de son trône, lui donne son divin embrassement, et dans cet embrassement divin l’élève au-dessus de toute infirmité. Ah ! Quelle merveille, pensez-vous, se passe alors dans l’esprit ! L’inclination du sceptre, c’est le don que Dieu fait de son Fils unique à l’âme dans laquelle il répand, en même temps, par le plus doux des baisers, la très haute et transcendance douceur du Saint-Esprit. Il partage avec elle son royaume, c’est-à-dire qu’il donne pleine puissance sur son royaume, sur le Ciel et sur la terre, voire sur lui-même, afin qu’elle soit maîtresse de tout ce dont il est le Seigneur, et que Dieu soit en elle, par grâce, tout ce qu’il est et tout ce qu’il a par nature.