Proverbes 25, 1-28

L’enseignement de la Sagesse en Israël

Gerhard von Rad

Israël et la Sagesse, p. 137s

             Les Sages, dans les livres sapientiaux de la Bible, ont voué une bonne part de leurs observations en restant neutres dans toutes leurs constatations, que ce soit sur le terrain psychologique de l’homme comme dans le domaine des « sciences naturelles », et bien d’autres. Dans cette façon de s’arrêter devant un élément du monde qui environne l’homme, dans cette concentration sur le phénomène lui-même, sans le relier à l’homme et à son univers, on doit bien voir une particularité de la connaissance du monde dans l’ancien Israël, car la sagesse égyptienne n’a absolument pas connu ces descriptions sans intention moralisatrice.

       Le sage constate des faits par une sentence, mais dans chaque sentence il y a deux faits constatés côte à côte. Nous venons de lire cette sentence : Les cieux dans leur hauteur, la terre dans sa profondeur, et le cœur des rois sont impénétrables ! Les constatations ont l’air très éloignées l’une de l’autre : que peuvent avoir de commun la distance entre le ciel et la terre et le cœur d’un roi ? Mais il y a quelque chose qui relie les deux constatations d’apparence si dissemblables ; il faudrait dire : leur insondabilité. C’est précisément cela, cette mise en évidence d’une chose qui lie les deux phénomènes totalement différents, que les sentences considèrent comme un gain de connaissance. Il s’agit rigoureusement de trois constatations, car la connaissance d’un facteur commun qui existe entre les deux constatations de la sentence vient s’ajouter comme tiers très important.

       On trouve un effort semblable de connaissance dans les proverbes en « comme » dans lesquels des comparaisons de genre fort divers sont établies. Citons deux de ces proverbes : Comme un chien retourne à ce qu’il a vomi, ainsi l’insensé qui retourne à sa folie ; et voici le second : Comme le feu s’éteint faute de bois, la querelle s’apaise quand il n’y a pas de calomniateur. Le sens de ces aphorismes serait considérablement dévalué si l’on ne voulait voir dans ces comparaisons qu’un procédé de style didactique et rhétorique pour illustrer une affirmation. Ces comparaisons n’ont pas une fonction pédagogique ; elles servent à mettre en évidence des analogies, et il faut les apprécier comme des découvertes d’éléments communs qu’on peut constater entre des phénomènes de nature tout à fait différente. Ce rapprochement fait ressortir des rapports qui indiquent un ordre supérieur dans lequel deux phénomènes sont liés l’un à l’autre.