Marc 6, 7-13

« Ils partirent, et proclamèrent qu’il fallait se convertir »

Saint Grégoire le Grand

Homélies sur l’Evangile, SC 485, p. 365s

             Le Seigneur, notre Rédempteur et Sauveur, nous exhorte tantôt par des paroles, tantôt par des actes. Car ses actes mêmes sont des préceptes : ce qu’il fait sans parole nous fait connaître ce que nous devons faire. Voici qu’il envoie ses disciples deux par deux pour prêcher : c’est que le précepte de la charité est double, l’amour de Dieu et celui du prochain, et qu’il ne peut y avoir de charité qu’entre deux êtres au moins. Car on ne dit proprement pour personne qu’il a charité pour lui-même ! Par l’amour, il tend vers un autre, en sorte qu’il peut y avoir charité. Le Seigneur envoie ses disciples deux par deux pour nous faire deviner que, si l’on n’a pas la charité pour autrui, on ne doit certainement pas se charger de prêcher.

       Il est dit avec justesse qu’il les a envoyés devant lui dans toutes les villes et les villages où il devait venir. Le Seigneur suit en effet ses prédicateurs : la prédication précède et le Seigneur vient dans la demeure de notre âme quand les paroles qui exhortent précédent, et que, par elle, la Vérité est accueillie dans l’âme. C’est pourquoi Isaïe dit à ses prédicateurs : Préparez la route du Seigneur, rendez droits les sentiers de notre Dieu. Et le psalmiste leur dit : Frayez la route à celui qui monte au-dessus du couchant. Le Seigneur monte au-dessus du couchant, parce qu’en se couchant dans sa passion, il a manifesté une plus grande gloire en ressuscitant. Il est monté en effet au-dessus du couchant lui qui, en ressuscitant, a foulé aux pieds la mort qu’il a endurée. Nous frayons donc la route à Celui qui est monté au-dessus du couchant quand nous prêchons sa gloire à vos âmes, afin que, venant ensuite, il les illumine par la présence de son amour.

       Ecoutons ce qu’il dit aux prédicateurs qu’il a envoyés : La moisson est abondante, mais les ouvriers peu nombreux. Priez donc le Maître de la moisson d’envoyer des ouvriers à sa moisson. Déjà la moisson est abondante, mais les ouvriers peu nombreux, ce que nous ne pouvons dire sans une grande tristesse ; car il y a des gens pour entendre la bonne parole, il en est peu qui la disent. Alors, mes frères, pesez cette parole : Priez le Maître de la moisson d’envoyer des ouvriers à sa moisson. Et vous, demandez pour nous que nous ayons la force d’œuvrer d’une façon digne de vous, que notre langue ne soit pas gourde pour exhorter, qu’après avoir assumé la charge de la prédication, nous ne soyons livrés au juste juge pour notre silence. S’il nous manque de la vigueur dans la prédication, puissions-nous être fidèles au devoir de notre charge par l’innocence de notre vie !