Galates 1,15 – 2,10

Quand fait-on commencer le christianisme ?

Père Michel Quesnel

Paul et les commencements du christianisme, p. 138s

       Si l’on parle de Paul comme le fondateur du christianisme sous son aspect de religion structurée ou de système de pensée, on peut se poser une question : quand fait-on commencer le christianisme ?

       Les Actes des Apôtres fournissent une réponse possible : C’est à Antioche, disent-ils, que, pour la première fois, le nom de chrétiens fut donné aux disciples. Pourquoi Antioche ? Parce que c’est précisément la ville dans laquelle les prédicateurs de la Résurrection s’adressèrent pour la première fois de façon significative à des non-juifs. C’est donc là que le mouvement issu de Jésus commença à sortir de son berceau juif. Cependant, tant que la décision de ne pas circoncire les croyants d’origine païenne n’avait pas été prise, le christianisme en tant que tel n’était pas vraiment né. Et l’on sait le rôle que Paul joua pour que les apôtres la prennent. Il contribua ainsi à l’instauration d’une rupture : selon lui, la loi juive n’est plus le fondement de l’agir croyant, ni de la relation entre l’homme et Dieu ; le nouveau fondement est la foi. N’est-ce pas précisément le rôle des fondateurs que de poser de nouveaux fondements ?

       Paul est aussi le premier théologien chrétien à avoir laissé des traces écrites de sa pensée. Juif, il l’était tout autant que Jésus, mais apparemment beaucoup plus familier de la pensée hellénistique, donc davantage préparé à s’exprimer en termes conceptuels. Le titre d’apôtre des nations qui lui a été donné n’est pas usurpé. Car c’est bien lui qui se fit le champion d’une entrée possible dans le groupe des disciples de Jésus sans passer par la circoncision et les autres observances  de la Torah. Ce ne fut pas sans peine, ni sans conflits ; sur le moment il fut surtout perdant. Mais à long terme, c’est sa façon de voir qui l’emporta, aidée sans doute en cela par des circonstances historiques conjecturelles : le christianisme de l’époque patristique se développa en effet surtout dans le monde méditerranéen, grec et latin ; nul doute que cela favorisa les idées pauliniennes. D’une branche du Judaïsme qu’il était au départ, le mouvement de Jésus est ainsi devenu, en grande partie grâce à Paul, une branche plus autonome.