2 Corinthiens 6,1 – 7,1

Saint Philippe Néri : Le rire au service de l’humilité

Mme S. Melchior-Bonnet

Histoire des saints sous la direction de Jean Delumeau, tome 8, p. 218

             Les bons mots, les plaisanteries, les anecdotes cocasses pullulent à propos de saint Philippe Néri, rapportés par les innombrables témoins qui, soixante ans durant, ont pu approcher le saint dans les rues de Rome. Philippe aimait flâner, interpeller les passants, entrer dans une boutique et engager la conversation. Le plus sociable des Romains ! Longue et maigre, sa silhouette gesticulante, enveloppée d’un manteau de serge de Gubio, est familière à tous. Ses manières sont si affables et affectueuses qu’elles forcent l’amitié. Avec courtoisie, il salue le prélat qui passe en bel équipage, mais il a surtout le respect des humbles. Ce pauvre cordonnier va-t-il s’asseoir dans les derniers rangs à la chapelle de l’Oratoire ? Philippe traverse l’illustre assistance pour le chercher et l’amener aux premières places.

        Le rire et la gaieté font partie de ses méthodes pour conquérir les cœurs, mais, en fait, ce goût naturel du burlesque et de la facétie a des racines profondes. Philippe aime rire, mais aussi se rendre risible par humilité, en quelque sorte, pour s’attirer la moquerie, le mépris des autres : Se mépriser soi-même, mépriser être méprisé, il a fait sienne cette devise de saint Bernard. De toutes les formes d’amour-propre, l’amour propre intellectuel est le plus dangereux, aussi faut-il, comme il dit, mortifier la résonnance. Il lui arrive de feindre la bêtise devant un évêque, de multiplier les solécismes et barbarismes devant un cardinal ; il se costume de façon ridicule et se coupe bizarrement les cheveux ; parfois, on le voit danser ou caracoler. Il ne procède par autrement avec ses disciples. Comme Tarugi, un grand seigneur, homme de cours, parent du pape Jules III, toujours somptueusement habillé, conserve ses manières de grand seigneur, il lui met dans les bras un petit chien, avec ordre de le porter deux heures en public, et de lui donner des gâteries. Deux jeunes gens aiment-ils trop les bijoux ? Il les caresse au cou et déclare que ces colliers lui râpent la main. Toute son attitude a pour but de dépouiller l’homme de ses conventions sociales, de ses défenses, de lui rendre sa simplicité, car l’Esprit Saint habite les âmes simples et candides.