He 11, 1-16

Joseph, le juste

Père Xavier Léon-Dufour

Etudes d’Evangile, p. 79s

            La tradition tardive n’a pas erré quand elle a reconnu un grand saint en Joseph, époux de Marie, père nourricier de Jésus, un homme juste et droit. Rien ne nous est dit de la sublime justice par laquelle Joseph a cru en l’intervention divine ; à la différence de Marie, il ne joue aucun rôle dans la conception virginale. Sa justice s’accomplit lorsqu’il permet à Dieu de surmonter la difficulté que soulève une naissance sans père, infamante aux yeux des hommes ; par contre, Joseph est tout dans la naissance légale. Comme Marie a obéi en servante du Seigneur pour concevoir le Fils du Très-Haut, ainsi Joseph doit-il obéir pour en devenir le père.

            Tentons de comprendre la pensée de Joseph telle qu’elle est présentée par l’évangéliste Matthieu. Rien dans le texte ne s’oppose à ce que Joseph ait été mis au courant de la conception virginale. La tournure passive du verset 18 semble le suggérer : Marie fut trouvée enceinte par le fait de l’Esprit-Saint. Qui a pu prévenir Joseph ? Matthieu ne le dit pas. Joseph se montre juste, non en ce qu’il observe la Loi autorisant le divorce en cas d’adultère, ni en ce qu’il se montre débonnaire, ni en raison de la justice qu’il devait à une innocente, mais en ce qu’il ne veut pas passer pour le père de l’enfant divin. S’il craint de prendre chez lui Marie, son épouse, ce n’est pas pour un motif profane, c’est que, comme le dit fort bien Eusèbe, il découvre une « économie » supérieure à celle du mariage qu’il envisageait. Le Seigneur a modifié son dessein sur lui ; qu’Il daigne assurer l’avenir de son élue. Joseph se retire, ayant soin, dans la délicatesse de sa justice envers Dieu, de ne pas divulguer le mystère divin de Marie. Inutile de chercher comment il pouvait réaliser son propos : détails superflus pour l’évangéliste. Du reste, ce juste est placé par les événements au-dessus du plan légal. Le mystère demeure-t-il dans l’ombre de Dieu seul ? Au Seigneur de pourvoir, l’homme a fait son possible. A Dieu d’intervenir, à Joseph d’obéir et d’assumer la paternité légale de Jésus.