Sur Isaïe 58, 1-14

L’aumône, le jeûne et la prière

 

Père A.M. Henry

Rompre ton pain avec celui qui a faim, VS 96, n° 426, mars 1957, p. 227s

 

L’aumône, le jeûne et la prière sont les trois pratiques que l’Eglise a toujours recommandées à ses fidèles pendant les temps de pénitence. Elles étaient d’usage dans l’ancien Israël et l’Eglise en a hérité ; elle en a seulement changé, ou perfectionné l’esprit, selon l’Esprit de son Maître. Et cet esprit est défini dans le sermon sur la Montagne, lorsque Jésus met en garde ses disciples contre l’hypocrisie de ceux qui veulent afficher leur justice devant les hommes : les vrais disciples du Seigneur ne feront l’aumône que devant Dieu, ne prieront que sous le regard de Dieu, et ne jeûneront que pour plaire à Dieu. Dans ce nouvel esprit, ces pratiques éprouvées du peuple de Dieu dans l’ancienne Alliance demeurent. Elles sont mêmes restées aussi chez nos frères séparés de l’Islam qui ont au moins gardé cet héritage des enfants d’Abraham.

Les chrétiens auraient donc tort de s’abstenir de pratiques si universellement et si continûment recommandées. S’ils pensent que ces pratiques étaient parfois devenues pour eux des habitudes vides d’esprit, ce n’est pas en rompant avec ces habitudes qu’ils retrouveront l’esprit, mais tout au contraire en les retrouvant avec de nouvelles exigences.

Quant à la prière, les fidèles connaissent davantage ses exigences, même s’ils n’y répondent pas toujours ; certains s’étonnent seulement qu’elle figure parmi les actes de pénitence parce qu’ils se figurent que la pénitence est une sorte de punition, ou d’auto-punition. Mais elle est essentiellement une conversion, une métanoia, un retournement du cœur. L’âme qui pèche se détourne de Dieu, et adhère de façon désordonnée aux biens périssables, tandis que l’âme qui se convertit, ou fait pénitence, se détourne de son péché et revient à Dieu. La pénitence étant entendue en ce sens d’une conversion intérieure, la pratique de la prière en sera une aide excellente. Quel acte peut mieux nous aider à revenir à Dieu, avec le secours de sa grâce, que de le prier comme lui-même, ou son Eglise, nous l’a appris ? Cette note sur la prière, entendue comme pratique de pénitence, c’est-à-dire de conversion, n’est pas inutile puisqu’elle vaut aussi pour les deux autres pratiques. L’aumône, le jeûne ne nous serviraient de rien s’ils n’étaient faits dans cet esprit de revenir à Dieu de tout notre cœur.