Sur Genèse 4, 1-24

Caïn, Abel et leurs dons

Saint Jean Chrysostome

Homélies sur la Genèse, OC VII, p. 234s

 

Dieu regarda favorablement Abel et ses dons, mais Dieu ne regarda ni Caïn, ni ses sacrifices. Le texte appelle dons l’offrande des brebis, parce que le juste offrait ce qu’il avait de plus précieux, de plus parfait : il offrait certes des brebis, mais c’était des premiers-nés, ce qu’il avait de plus précieux et de plus pur dans son troupeau, et encore la partie la plus précieuse de ses victimes choisies, la graisse, la substance qui démontre le mieux avec quel soin le choix était fait. Aucune indication de ce genre dans ce qui regarde Caïn : il est dit seulement qu’il offrait des fruits de la terre, fruits pris sans distinction, sans aucune attention à les bien choisir.

Le premier donnait au Seigneur avec une âme généreuse et sincère, aussi Dieu le regardait avec amour et tenait ses dons pour agréables. Quant au second, c’est pour montrer que ses dons sont repoussés qu’il est dit que Dieu ne les regarda pas. Dieu nous instruit par les faits et par les expressions mêmes : ce qu’il nous enseigne ici, c’est qu’il exige de nous de tels hommages pour nous mettre dans la nécessité de manifester au-dehors par nos actions les sentiments renfermés dans notre âme, et pour nous rappeler à jamais que nous avons au-dessus de nous un Maître, un Créateur dont la puissance nous a fait passer du néant à l’être. En appelant dons les brebis immolées, et sacrifices les fruits de la terre offerts, l’Ecriture nous apprend que le Seigneur cherche, non l’immolation de ces animaux ou l’offrande de ces fruits, mais uniquement les dispositions de notre âme. C’est donc à cause de ces dispositions intérieures que l’un est favorablement accueilli et que l’autre est repoussé avec son sacrifice : il regarda d’un œil favorable Abel et ses dons, mais il ne regarda pas de même Caïn et ses sacrifices.

Et Caïn fut en proie à une profonde tristesse. D’où venait la tristesse de Caïn ? Elle avait une double source : la répulsion dont il avait été lui-même l’objet, et la faveur méritée par son frère ; ces deux sources agissaient violemment sur son âme. Il fallait alors qu’il se repentit et se corrigeât de la faute qu’il avait commise, sachant que le Seigneur est plein de bonté pour l’homme et qu’il est moins irrité du mal dont nous nous sommes rendus coupables que de notre persévérance dans le mal. Mais telle ne fut pas la pensée de Caïn.