Sur Genèse 12, 1-9

La foi d’Abraham

 

Saint Grégoire de Nysse

Contre Eunome, tome II, SC 551, p. 159s

 

Abraham sort, par commandement divin, de sa terre et de sa parenté. Cette sortie est glorieuse, pour un homme qui est prophète et qui se hâte vers la connaissance de Dieu. Car autrement, je ne crois pas qu’un changement de lieu permette de saisir ces choses que l’on trouve par l’intelligence. Mais Abraham est sorti de lui-même et de sa terre, c’est-à-dire de sa pensée terrestre et basse, pour élever son intelligence au-dessus des limites de la nature.

Il sortit, nous dit l’Ecriture, il sortit ne sachant où il irait, et il ne lui fut même pas permis d’apprendre le Nom de Celui qu’il aimait. Il ne conçut ni rancœur, ni honte de cette ignorance ; pour ce qu’il cherchait, c’était précisément une conduite certaine et sûre que d’être mené, comme par la main, à la science de Dieu. De même qu’il avait dépassé la sagesse de ses pères, et qu’il s’élevait au-dessus du sensible par la beauté des choses que l’on perçoit dans la contemplation, il donna ce signal infaillible et évident de la connaissance de Dieu, à savoir : il crut que Dieu est. Ainsi devient Loi de la foi cette histoire, enseignant que le seul moyen d’approcher de Dieu c’est que la foi intervienne, et soit le lien qui unit, entre elles, l’intelligence en quête de Dieu et la nature divine insaisissable. Car écartant de la connaissance tout ce qui serait curiosité, l’Ecriture dit : Abraham crut, et cela lui fut compté comme justice. L’Ecriture affirme donc, non pas à l’adresse d’Abraham, mais à notre adresse, que Dieu compte aux hommes comme justice la foi, et non la connaissance. Car la connaissance comporte une disposition un peu mercantile, l’intelligence ne donnant son accord qu’à ce qu’elle connaît. Il en va autrement de la foi : elle est le fondement, ou la substance, non pas de ce qu’on connaît, mais de ce qu’on espère. Or, ce que l’on tient solidement, on ne l’espère pas. Mais ce qui échappe à notre connaissance, la foi le fait nôtre, en garantissant par sa propre solidité ce qu’on ne voit pas. Et l’Apôtre dit bien d’Abraham, l’homme de foi, qu’il porta l’invisible comme s’il le voyait.