Sur Genèse 9, 1-17

Le nouvel ordre du monde

Saint Augustin

Trente-trois livres contre Fauste le manichéen, livre 12, chap.21, p. 563s

 

Pourquoi les hommes qui étaient entrés séparément dans l’arche, en sortent-ils tous ensemble, car il est dit que Noé et ses fils entrèrent dans l’arche, puis que sa femme et les femmes de ses fils y entrèrent après eux, les hommes d’abord, puis les femmes ? C’est parce que, dans le temps indiqué par ce mystère, la chair a des désirs contraires à ceux de l’esprit, et l’esprit en a de contraires à ceux de la chair. Or, à la sortie, on voit Noé et sa femme, puis les enfants de Noé et leurs femmes, les hommes et les femmes sont réunis, parce que, à la fin du monde et à la résurrection des saints, le corps sera réuni à l’âme dans une paix absolue et parfaite, attendu qu’il n’y aura plus entre eux cette résistance produite par le manque et le désir de l’immortalité. Pourquoi enfin, bien que l’arche contînt des animaux purs et des animaux impurs, à la sortie de l’arche, n’en est-il offert à Dieu en sacrifice que de purs ?

Ensuite, pourquoi le Seigneur tient-il à Noé le même langage qu’au premier homme dans le principe des choses, sinon parce qu’il fallait que les mêmes choses fussent figurées de plusieurs manières ? Il donne une image de l’Eglise en bénissant sa race pour qu’elle remplisse la terre et en permettant aux hommes de se nourrir de toutes espèces d’animaux, comme il fut dit à Pierre à propos de la toile immense pleine d’animaux qui lui fut montrée : Tue et mange. Il est prescrit aux hommes de ne point manger la chair des animaux mêlée avec leur sang, pour leur apprendre à ne point retenir leur vie antérieure comme étouffée dans leur conscience, mais à la répandre au-dehors par la confession. Dieu a fait une alliance entre lui, les hommes, et tous les êtres vivants qu’il ne fera plus jamais périr par le déluge, et il en a donné pour signe son arc-en-ciel, qui ne brille jamais que par la présence du soleil. Cela nous figure ceux qui, dans les divines Ecritures et dans les prophéties, reconnaissent comme dans les nuées de Dieu la gloire même de Jésus-Christ, n’y recherchent point la leur propre et ne périssent point dans le déluge, séparés de l’Eglise. Mais que les adorateurs du soleil qui nous éclaire, au lieu de s’enfler encore davantage, sachent bien que le Christ est figuré souvent ainsi par cet astre, de même qu’il l’est par le lion, par l’agneau, par la pierre, à cause d’une certaine similitude, et non point par la substance même de la propriété.