Sur Luc 1, 57-66

« Son nom est Jean »

 

Bienheureux Guerric d’Igny

Sermon, SC 202, 1er sermon pour la Nativité de Jean Baptiste, p. 319s

 

Tout près de la source se dressait un cèdre remarquable, son nom est Jean. Il est cousin et ami de l’époux, précurseur, baptiste et martyr du Seigneur. Ainsi abondamment arrosé, il devint si grand qu’on n’en pouvait trouver de plus élevé dans les descendants de la femme. Il était extrêmement proche du Sauveur, puisque non seulement les liens du sang l‘unissait à lui, mais encore il s’en approchait de plus près qu’aucun autre mortel en raison de son annonciation glorieuse, du caractère nouveau de sa naissance, de sa sainteté presque originelle, de sa prédication si semblable, de son pouvoir de baptiser, et enfin de sa courageuse passion. Enfin, même si tout le reste manquait, et si tous les oracles prophétiques le passaient sous silence, la seule grâce de son nom, que l’ange avait indiqué avant sa conception, Tu l’appelleras Jean, suffirait largement pour témoigner de la grâce singulière que Dieu allait lui communiquer.

En effet, pour prêcher la grâce de Dieu répandue par La pleine de grâce, il fallait un homme plein de grâce ; il convenait aussi que la grâce brillât d’une façon extraordinaire  en celui qui était destiné à marquer comme la limite entre le temps de la Loi et le temps de la grâce. Jusqu’à Jean, en effet, la Loi et les Prophètes ont prophétisé (Matthieu 11,13), et il fut le premier à révéler la présence de Celui dont la Loi et les Prophètes annonçaient la venue.

Certes, c’est à juste titre qu’elle fut jadis pour beaucoup, et qu’elle le reste aujourd’hui encore, une cause de joie, la naissance de cet enfant qui, donné à ses parents dans leur vieillesse, venait prêcher au monde vieillissant la grâce d’une nouvelle naissance. C’est à juste titre que l’Eglise fête solennellement cette nativité que la grâce opéra de façon merveilleuse, et dont s’émerveille la nature. Dans cette naissance, elle se voit accordé par avance un gage sûr de cette autre naissance où la grâce restaura la nature. L’Eglise ne se montre pas ingrate, ni sans mémoire ; elle reconnaît fidèlement avec quelle dévotion et quelle reconnaissance il lui faut accueillir le précurseur qui lui a fait connaître le Sauveur lui-même.