Sur Isaïe 5, 1-7

Le chant de la vigne

 

Père Louis Neveu

Le chant de la vigne, AS 58, p. 7s

 

Nous avons en ce passage le plus parfait exemple de parabole de l’Ancien Testament. Certains se plaisent à vouloir identifier  maints détails où ils découvrent des allusions historiques très déterminées : la cime du coteau de vigne serait la terre de Canaan, plus précisément la montagne à l’Ouest du Jourdain ; le bêchage et l’épierrage correspondraient à l’éviction des Cananéens ; la construction de la tour au milieu du vignoble viserait l’élévation de la dynastie davidique.

Certains ne considèrent comme poésie que les deux premiers versets, le prophète ayant utilisé au départ un petit chant populaire. Le second terme permet de préciser qu’il s’agit ici d’un chant d’amour, qu’il s’agisse du chant du bien-aimé ou d’un chant d’amour plus général.

Quelque que soit la lecture adoptée, le thème ici exploité traduit assurément l’amour de Dieu pour sa vigne. On peut y voir la complainte d’un amoureux trompé, interprétation qui unifie avantageusement tout l’ensemble. Le début reste volontairement ambigu. Isaïe parle de son ami sans que les auditeurs remarquent qu’il s’agit de Dieu. Le prophète chante la complainte de cet ami au sujet de sa bien-aimée infidèle, sans indiquer que cette fiancée désigne le peuple. Mis en demeure de se prononcer, l’auditoire se voit acculé à se condamner lui-même : il est parfaitement juste de maudire la femme adultère.

Quel que soit le genre littéraire reconnu, on s’accorde à voir, dans la façon dont Isaïe amène ses auditeurs à se condamner eux-mêmes, un procédé analogue à celui du prophète Nathan devant le roi David : Cet homme, c’est toi ! La vigne du Seigneur des armées, c’est la maison d’Israël. Après l’exposé impartial d’une situation litigieuse, le jugement porté touche au vif celui qui vient de se prononcer.

L’espoir de Dieu, motivé par tant de soins attentifs, justifie sa déception et son jugement sévère. Sa colère légitime, mentionnée à trois reprises, toujours en fin de mouvement, constitue un véritable refrain.

La leçon de cette page reste toujours actuelle. Si Dieu favorise son peuple, il attend de sa part une juste réponse à ce choix et à cette protection. Le dévouement à sa volonté doit inspirer de façon croissante notre comportement.