sur Luc 10, 1-9

Mission des soixante-douze

Saint Ambroise de Milan

Traité sur l’Evangile de saint Luc, tome II, SC 52, p. 23s

 

Voici que je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups. Jésus dit cela aux soixante-douze qu’il a désignés et envoyés deux par deux devant Lui. Pourquoi les a-t-il envoyés deux par deux ? Parce que les animaux ont été introduits deux par deux dans l’arche, c’est-à-dire le mâle et la femelle : l’impureté a été purifiée par le mystère de l’Eglise ; rappelez-vous dans l’oracle que saint Pierre entendit quand l’Esprit-Saint lui dit : Ce que Dieu a purifié, ne l’appelez pas impur. Et il remarque qu’il s’agissait des Gentils, plus attachés à l’hérédité et à la filiation suivant la chair qu’à la grâce de l’Esprit ; le Seigneur les a purifiés et faits héritiers de sa Passion. En envoyant les disciples à sa moisson, laquelle avait été bien semée par le Verbe de Dieu mais demandait à être travaillée, cultivée, soignée avec sollicitude par l’ouvrier pour que les oiseaux du ciel ne pillent pas la semence répandue, Jésus dit : Voici que je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups. Voilà des animaux ennemis, les uns dévorant les autres ; mais le Bon Pasteur ne saurait redouter les loups pour son troupeau : ces disciples sont envoyés, non pour être une proie, mais pour répandre la grâce, car la sollicitude du Bon Pasteur fait que les loups ne peuvent rien entreprendre contre les agneaux. Il envoie donc les agneaux parmi les loups pour que se réalise cette parole du prophète Isaïe : Les loups et les agneaux seront ensemble au pâturage.

Les loups sont des fauves qui s’en prennent aux bergeries, rôdent près des cabanes des pâtres, n’osent pas entrer dans les lieux habités, guettent le sommeil des chiens, l’absence ou la négligence du berger, sautent à la gorge des brebis pour les étrangler net. Sauvages et rapaces, leur corps est raide par nature, si bien qu’ils ne peuvent facilement se retourner ; leur élan les emporte, aussi sont-ils facilement déjoués. Ne peut-on pas comparer ces loups aux hérétiques, aux faux-frères dont parle l’apôtre ? Car, pour les perfides, il fait toujours nuit, ils s’efforcent de voiler la lumière du Christ, l’obscurité est en eux. Ils rôdent autour des parcs, mais n’osent pas entrer dans les caravansérails du Christ. C’est pour cela qu’ils ne guérissent pas : le Christ ne veut pas les introduire dans son caravansérail.