Sur Jérémie 7, 1-20

L’unique sacrifice de la cité rachetée

Saint Augustin

La Cité de Dieu, livre 5-6, Bibliothèque Augustinienne 34, p. 439s

 

Qui serait assez fou pour estimer que les offrandes faites dans les sacrifices puissent répondre à quelque besoin de Dieu ? L’Ecriture nous en apporte maints témoignages ; pour ne pas allonger, qu’il suffise de rappeler ce court passage d’un psaume : Tu es mon Dieu, car tu n’as pas besoin de mes biens. Il faut donc croire que Dieu n’a besoin ni de bétail, ni de n’importe quel bien corruptible et terrestre, pas même de la justice de l’homme : tout le culte légitime qu’on lui rend profite à l’homme, non à Dieu. Car nul ne prétendra rendre service à la source en buvant, à la lumière en voyant !

Dans les sacrifices où les patriarches immolaient des animaux et qu’aujourd’hui le peuple de Dieu relit dans l’Ecriture sans plus les pratiquer, il faut voir uniquement la figure des œuvres qui s’accomplissent parmi nous, en vue de nous unir à Dieu et de porter vers lui notre prochain. Le sacrifice visible est donc le sacrement, c’est-à-dire le signe sacré du sacrifice invisible. Voilà pourquoi chez le prophète, l’homme pénitent ou le prophète lui-même, cherchant pour ses péchés la bienveillance de Dieu, lui dit : Si tu avais voulu un sacrifice, je te l’aurais offert ; mais aux holocaustes tu ne prends pas plaisir. Le sacrifice pour Dieu, est un esprit brisé ; un cœur contrit et humilié, Dieu ne le dédaignera pas.

            Considérons comment, là même où il dit que Dieu refuse les sacrifices, il montre que Dieu veut un sacrifice : il refuse le sacrifice des bêtes égorgées, et il veut le sacrifice d’un cœur brisé. Ainsi, selon le prophète, ce que Dieu refuse est la figure de ce qu’il veut : Dieu, dit-il, ne veut pas de ces sacrifices de la manière que les insensés croient voulue par lui, pour le plaisir qu’il y trouverait. Car s’il n’avait pas voulu que les sacrifices qu’il demande, et qui se ramène à un seul, le cœur humilié et brisé par la douleur du repentir, fussent figurés par les sacrifices prétendument désirés pour son plaisir, il n’aurait certes pas prescrit leur célébration dans l’ancienne Loi. Ils devaient donc être remplacés en temps opportun et déterminés, de peur qu’on ne les crût enviables pour Dieu ou du moins acceptables pour nous, plutôt que ceux dont ils étaient la figure. De là, ces paroles d’un autre psaume : Si j’ai faim, je ne te le dirai pas, car ce monde est à moi avec tout ce qu’il renferme. Comme s’il disait : si même ces biens m’étaient nécessaires, je ne te les demanderais pas, puisque je les ai en mon pouvoir. Puis il ajoute pour expliquer ces paroles : Offre à Dieu un sacrifice de louange, accomplis tes vœux à l’égard du Très-Haut ! Invoque-moi au jour de la tribulation : je te délivrerai et tu me glorifieras.