Sur Jérémie 4, 5-8.11-28

L’imminence de l’invasion

  1. Aeschimann

Le prophète Jérémie, Commentaire, p. 63s

 

L’ensemble du chapitre 4 que nous venons de lire ne constitue pas un discours en règle. Il se compose d’oracles distincts, aussi n’y a-t-il pas lieu de s’étonner de l’entre-choquement des idées et des images, lorsqu’il s’agit d’une prédication aussi passionnée et aussi douloureuse.

Alerte, sonnez du cor dans le pays, rassemblement, fuyons, le malheur arrive du nord. Le prophète sonne le tocsin ; il faut remarquer l’accumulation haletante des impératifs qu’il profère : Sonnez de la trompette, Rassemblez-vous, courons, Levez l’étendard, Fuyez. L’étendard levé doit indiquer la direction de l’exode, et si, à ce propos, Jérémie parle de Jérusalem, c’est sans doute parce qu’il s’adresse à ses concitoyens les Benjaminites, les seuls pour qui Sion soit du côté vers lequel il faut fuir. Une fois de plus, le lion intervient comme l’image parlante du dévastateur qui avance. Une fois de plus retentit la prédication sinistre : Plus d’habitants dans le pays ! Mais comment s’étonner de tout cela quand on connaît l’ardeur de l’indignation divine devant les péchés accumulés ?

Nous sommes perdus, il n’y a plus d’espoir ! De nouveau la vision des chevaux et des chars, avec la perspective du pillage. Il y aurait pourtant peut-être encore une issue. Et Jérémie interprète fidèle des sentiments de son Dieu, ne peut s’empêcher de dire que si Israël revenait, renonçant à ouvrir son cœur aux pensées désastreuses, tout espoir ne serait peut-être pas perdu. Mais non ! La catastrophe suit son cours, passant inexorablement de Dan, au Nord du pays, à Ephraïm, au centre, et à Jérusalem enfin, et aux villages de Juda, au Sud. De même qu’autour d’un champ les chasseurs sont aux aguets pour abattre impitoyablement tout ce qui lève la tête, ainsi la ville sainte sera assiégée, comme au temps de Sanachérib. Et la strophe se termine, de même que les précédentes, mais d’une manière encore plus explicite, par la constatation que tous ces malheurs ont leur source dans le péché, auquel on donne son cœur, mais qui, finalement, blesse le cœur.

L’ébranlement universel. Aucun des poèmes de Jérémie ne dépasse, en perfection et en puissance d’évocation, le tableau de la dévastation qui s’étend à la création tout entière dans les derniers versets (23-28). On croit voir le prophète contemplant avec effroi la catastrophe qui ébranle tout : la terre est redevenue un chaos, la lumière dont l‘apparition avait été le premier miracle de la création a disparu. Les hommes, les oiseaux, toutes les créatures vivantes ne sont plus. Et la strophe se termine par l’affirmation que Dieu ne révoquera pas son arrêt de condamnation. En fait, Dieu ne demanderait pas mieux que de revenir sur sa condamnation.