Sur Matthieu 22, 1-14

Le vêtement de noce

Dom André Louf

Seul l’amour suffirait, tome A, p. 183s

 

Le début de cette parabole est relativement facile à saisir. Certes Dieu nous étonne lorsqu’il invite pêle-mêle les croyants et les mécréants, mais il ne nous choque pas. Nous connaissons déjà cette bonté sans mesure, et nous y comptons pour nous. Une tel Dieu nous paraît encore raisonnable.

Mais la suite de la parabole est plus difficile. Voici que la salle de noces est maintenant remplie de convives, et de toute espèce ! Parmi eux, aucun d’eux n’y avait droit : tous sont là à leur grand étonnement et gratuitement. Mais certains portent le vêtement de noce, d’autres pas. Or, ces derniers sont expulsés, sur le champ, pieds et poings liés et jetés dans les ténèbres. Et Jésus de commenter cet incident : Beaucoup sont appelés, mais les élus sont peu nombreux.

Que veut dire Jésus ? Pourquoi cette apparente dureté ? Quel est donc ce vêtement de noce qu’il faut absolument endosser sous peine de ne pas tenir, de ne pas trouver grâce devant Dieu, dont nous savons pourtant qu’il est Amour et Miséricorde ?

Il y a une réponse facile, souvent entendue, qui consiste à dire que l’absence du vêtement de noce est le signe d’une négligence, d’une infidélité ; pour entrer dans le Royaume, il faudrait être propre et bien élevé. Mais la parabole ne dit nulle part que le convive expulsé était en tenue de travail ou mal habillé. Une tenue impeccable pour une noce d’ici-bas, oui ! Seulement, ce n’était pas le vêtement de noce qui, seul, permet d’entrer dans le Royaume de Dieu, le seul que Dieu puisse reconnaître.

Quel est donc ce vêtement de noces ? Saint Paul nous le dit, il est le vêtement nouveau de l’homme nouveau créé en Jésus-Christ : il est Jésus-Christ lui-même. Il nous faut absolument nous dépouiller du vieil homme et de ses prétentions, comme d’un costume usé, et revêtir, comme un vêtement flambant neuf, Jésus-Christ lui-même, l’humilité de sa croix et la force de sa résurrection.

Et quels sont les traits de Jésus ? Saint Paul nous le dessine ailleurs : Comme des élus de Dieu et de ses biens aimés, revêtez-vous de tendre compassion, de bonté, d’humilité, de douceur, de patience. Pardonnez-vous mutuellement : le Seigneur, lui, vous a pardonnés. Le visage de Jésus, c’est la douce pitié, c’est la miséricorde sans fin pour nos frères. Tel est le vêtement de noce, le seul que Dieu pourra reconnaître à l’heure du festin, si nous avons senti un jour la douce pitié de Dieu, si nous avons pu la déverser à notre tour en humble amour sur nos frères. Tel est le vêtement de noce qui fait tressaillir le cœur de Dieu.