Sur Isaïe 5, 8-13 . 17-24

Structure littéraire de l’apologue de la vigne

Père Cersoy

L’apologue de la vigne, RB 8, p. 45s

 

Ce sont de dures vérités que le prophète a l’intention de faire saisir à ses auditeurs. Pour arriver à son but, Isaïe prend un chemin détourné : celle de l’insinuation graduelle. Il se sert d’une parabole, un apologue de la vigne, qu’il pousse pas à pas jusqu’à l’application visée.

Le début de l’apologue est très adroit. Les auditeurs n’y perçoivent rien qui les indispose : leur esprit est mis en éveil et captivé par une agréable description, rien ne leur fait soupçonner encore que dans un instant il va s’agir de leurs propres crimes et des châtiments divins mérités par eux. Seul le dernier trait du tableau fait entrevoir qu’il va être question d’ingratitude et d’infidélité : la vigne, objet de tant de sollicitude, a trompé l’attente de son maître. Mais à qui cette vigne est-elle assimilée ? A qui ce maître sera-t-il comparé ? Cela reste encore dans l’ombre.

Après cet exposé, le prophète fait intervenir et parler le possesseur de la vigne ; les paroles mises dans la bouche du maître sont habillement calculées pour faire avancer la marche de l’apologue. Ce personnage prend une attitude qui n’est pas celle d’un homme ordinaire ; de plus, la vigne est un domaine considérable de première importance : elle est donnée en spectacle à tout un peuple et soumise à son jugement. La nature symbolique de cette vigne commence à se préciser : elle représente un coupable, puisque le maître se plaint d’elle, et entre en procès avec elle.

Le maître reprend la parole. L’énoncé des châtiments décrétés confirme ce que le procès de tout à l’heure avait insinué : la vigne est bien l’image d’un grand criminel, car elle est frappée de peines terribles. Et le maître se révèle cette fois tout entier : Je commanderai aux nuages de ne plus verser de pluie sur la vigne. Qui peut commander aux nuages et à la pluie, sinon Dieu seul ? C’est donc bien de Dieu lui-même que le possesseur de la vigne est la figure. Et alors de qui la vigne est-elle l’image ?

Le prophète reprend personnellement la parole. La vigne du Dieu des armées, c’est le peuple d’Israël ; l’ingratitude déplorée, c’est celle de Juda lui-même. Resterait à dire que les châtiments seront les siens propres, mais Isaïe préfère laisser les auditeurs tirer eux-mêmes la triste conclusion qui s’impose à leurs esprits.