Sur Matthieu 20, 1-16

Les ouvriers de la vigne

 

Saint Augustin

Sermon 87, OC 17, p. 11s

 

La parabole des ouvriers de la vigne qu’on lit ce dimanche convient tout à fait avec la saison. Il est question d’ouvriers qui travaillent dans une vigne, et nous sommes au temps des vendanges matérielles. Mais il y a aussi des vendages spirituelles durant lesquelles Dieu se réjouit de voir le fruit de sa vigne.

Si nous rendons un culte à Dieu, Dieu aussi nous cultive. Nous ne le cultivons pas pour le rendre meilleur, puisque notre culte consiste dans l’adoration, non dans le labour. Mais il nous cultive comme fait un laboureur de son champ ; aussi cette culture nous améliore comme celle du laboureur rend son champ plus fertile ; et le fruit que Dieu nous demande consiste dans son culte même. Il montre qu’il nous cultive en ne cessant d’arracher de nos mœurs, par sa parole, les germes funestes, de nous ouvrir l’âme avec le soc de ses instructions, et d’y répandre la semence de ses préceptes pour en attendre des fruits de piété. Quand en effet nous laissons ce laboureur céleste travailler nos cœurs, et que nous lui rendons le culte qui lui est dû, nous ne nous montrons pas ingrats envers lui, nous lui présentons des fruits qui sont sa joie ; ces fruits ne le rendent pas plus riche, mais ils accroissent notre bonheur.

Nous serons tous égaux, les premiers au niveau des derniers, et les derniers au niveau des premiers. Le denier d’ailleurs est la vie éternelle, et l’éternité est égale pour tous. La diversité des mérites établira sans aucun doute une diversité de gloire ; la vie éternelle cependant, considérée en elle-même, ne saurait être inégale pour personne. Il n’y a ni plus, ni moins, de longueur dans ce qui est également éternel. Mais la chasteté conjugale brillera d’une autre manière que la pureté des vierges, et la récompense des bonnes œuvres paraîtra autrement que la couronne du martyre. La forme sera diverse ; mais en ce qui concerne l’éternelle durée, l’un n’aura pas plus que l’autre, puisque tous vivent sans fin, quoique chacun avec la gloire  qui lui est propre, et cette vie sans fin est le denier de l’éternelle vie. Ainsi donc, celui qui l’a reçu plus tard ne doit pas murmurer contre celui qui l’a reçu plus tôt. On rend à l’un ce qui lui est dû, on fait un don à l’autre, et pour tous les deux le don a le même objet.

Personne ne doit différer de se rendre à la vigne sous prétexte qu’à quelque moment qu’il y vienne il est sûr de recevoir ce denier mystérieux. Il est sûr que ce denier lui est offert. Le père de famille ne serait-il pas sorti pour t’inviter, toi, personnellement ?