Sur 1 Rois 3, 5-28

Salomon le Sage

Elie Wiesel

Préface du livre de Laurent Cohen, le roi Salomon, p. 9-10

 

 Salomon, le plus sage des hommes, c’est ainsi que la tradition juive appelle le roi Salomon. Mille anecdotes, la plupart relevant de l’imaginaire courent à son sujet. On vante son érudition, ses connaissances, ses dons, et ses pouvoirs. Homme d’état, écrivain, penseur, musicien, poète : tout ce qu’il entreprend lui réussissait. De partout, les souverains venaient admirer sa splendeur et recevoir son enseignement< ; et puis les femmes : on lui en attribue un millier ! Juives et païennes, toutes étaient conquises par son charme. Ayant voyagé pendant trois ans d’Ethiopie jusqu’à Jérusalem, la reine de Saba n’a-t-elle pas eu le coup de foudre en le voyant ?

Enfant, j’adorais ces légendes. Salomon me rendait fier de ses rêves et de ses accomplissements, et même de ses fastes. Fier d’appartenir à son peuple, sinon à sa génération. Pour expliquer son pessimisme reflété dans l’Ecclésiastique, le Midrash raconte que le roi des démons avait usurpé son trône et son visage. Pendant trois ans, le pauvre roi déchu parcourut son royaume en criant : Je suis Salomon. Partout on le repoussait. C’est alors qu’il déclara : Vanité des vanités, tout est vanité. Mais cet épisode est peu caractéristique de son destin.

Héritier du trône de David, protégé du prophète Nathan, Salomon semble être le bien-aimé de l’histoire de la royauté judaïque. Le Temple à la gloire de Dieu, ce n’est pas David, mais lui qui l’a bâti. La paix avec ses voisins, c’est lui qui l’offre à son peuple. On dirait qu’il a la vie facile, le Roi sage. Dans l’Ecriture, les défenseurs de la foi, les rigoristes, les intégristes de l’époque, on ne les entend pas. C’est comme s’ils pardonnaient ses choix et ses écarts. Son goût prononcé pour le luxe, son mariage avec la fille du pharaon, ses liaisons avec les femmes étrangères ne suscitent aucune critique. Le peuple l’adore et Dieu l’aime. Salomon ou le bonheur d’être roi.

Mais le personnage est plus complexe et plus dense qu’il ne paraît dans la Bible. Pour s’en rendre compte, il faudrait étudier son enseignement tel qu’il est interprété par divers commentateurs médiévaux et modernes. Salomon est actuel pour toutes les époques ; le plus juif des rois n’est-il pas le plus universel ?

La fin de Salomon est tragique. Dans un rêve, Dieu avertit Salomon de ce qui pourrait arriver à Son peuple s’il transgressait ses lois et choisissait de vivre loi de Dieu. Alors, cette maison que j’ai consacrée à Mon nom, Je la répudierai, et Israël deviendra la fable et la dérision de tous les peuples. Mais il y a le repentir. Donc l’espérance… Le Messie ne sera pas seulement le descendant de David, il le sera aussi de Salomon.