sur Matthieu 11, 25-30

« Mon joug est doux et mon fardeau léger »

Bienheureux Guillaume de Saint-Thierry

Méditations et prières, p. 215s

 

Tu m’as enrôlé, Seigneur, et je me suis laissé prendre ; tu as été le plus fort, tu l’as emporté ! J’ai distingué ta voix qui disait : Venez à moi, vous tous qui peinez et êtes surchargés, je vous soulagerai ! Je suis venu à toi, j’ai cru à ta parole ; en quoi m’as-tu soulagé ? Je ne peinais pas, et maintenant je peine, et si fort que je succombe à la peine. Je n’étais pas surchargé, et maintenant je ploie sous le fardeau. Tu as dit pourtant : Mon joug est délicieux, et mon fardeau léger. Où donc se trouvent ces délices ? Où donc est-elle cette légèreté ? Maintenant je n’en puis plus sous le joug, je tombe sous le fardeau. J’ai jeté un regard  tout à l’entour, mais personne pour me secourir ! J’ai cherché, mais personne pour m’aider ! Qu’est-ce donc, Seigneur ? Pitié ! Car je suis infirme.

Et le Seigneur m’a répondu : Je ne t’ai pas enjôlé, mon fils, je t’ai doucement guidé jusqu’ici. Le mot que je t’ai dit, que tu m’as entendu crier : Venez à moi !, il est crié pour tous, mais il n’est pas donné à tous de suivre cet appel. De préférence à des gens qui s’estiment riches et puissants, à toi cela a été donné. Ai-je mal agi avec toi en t’octroyant ce bienfait ? Tu murmures parce que je ne te soulage pas, mais si je ne t’avais déjà soulagé, déjà tu aurais succombé ! Tu gémis sous mon joug et tu fatigues sous mon fardeau, mais c’est l’amour qui donne à mon joug la suavité et à mon fardeau la légèreté. Si tu avais assez d’amour, tu ressentirais cette suavité ; si ta chair m’aimait, elle ne peinerait pas tant, ou, si elle peinait, l’amour lui allègerait la peine. Tu es incapable de porter seul mon fardeau et mon joug, mais si l’amour se joint à toi pour les porter, à ton grand étonnement, tu goûteras tout de suite leur suavité.

Seigneur, c’est bien ce que je t’ai dit ce que je t’ai dit : j’ai fait ce que j’ai pu ! Ce qui semblait être en mon pouvoir, je l’ai mis à ton service ; si j’avais pu avoir l’amour, déjà depuis longtemps je serais parfait. Si tu ne le me donnes pas, je ne puis l’avoir ; et si je ne l’ai, je ne puis tenir. Combien je suis capable de peu de choses, tu le sais, tu le vois ! De cette misère enlève donc ce que tu voudras, mais donne-moi cet amour dans sa plénitude et dans sa perfection !