Sur Jérémie 1, 4-10 . 17-19

La joie de Jean Baptiste

 

Aelred de Rievaulx

Sermons pour l’année 3, sermon 44 pour la naissance de Jean, p. 192s

 

D’où venait la joie de Jean Baptiste ? Vous voyez bien que sa joie ne pouvait venir des réalités tout extérieures, puisqu’il ne trouvait en elles que labeurs et austérités. Peut-être se réjouissait-il d’être admiré par tous et loué pour son genre de vie ? Beaucoup réagissent comme cela ; ils ne se réjouissent pas d’avoir bien agi, mais d’être grandement loué. Tel ne fut pas le bienheureux Jean. Car s’il avait été ainsi, n’aurait-il pas accepté les louanges des hommes qui étaient en effet nombreux à le prendre pour le Christ. Mais lui-même les dissuadait de croire cela lorsqu’il disait : Celui que vous pensez que je suis, je ne le suis pas. Voyez-vous à présent qu’il ne trouvait manifestement pas sa joie dans les louanges humaines ? Mais alors, d’où lui venait sa joie ? Qu’il nous le dise lui-même et nous montre ce que devons nous-mêmes désirer ? Celui qui a l’épouse, c’est l’époux, ditil ; quant à l’ami de l’époux, il se tient debout, il l’entend, et il est ravi de joie à la voix de l’époux. Notre Seigneur, c’est-à-dire le Christ, il l’a appelé « époux ». Mais de qui est-il l’époux ? De cette chair ? Certainement pas ! Le Christ est l’époux de l’âme. Qui le serait sinon lui ? Celui qui a l’épouse, c’est l’époux. Qui peut faire de l’âme de l’homme son épouse, sinon notre Seigneur ? Qui peut s’unir l’âme de l’homme, faire un avec elle et la faire participer à sa joie et à sa douceur, sinon le Christ ? Ainsi donc, il dit : Celui qui a l’épouse, c’est l’époux.

            Et saint Jean qui était-il ? Ecoute ce qu’il était : L’ami de l’époux se tient debout et il l’entend. Vraiment, frères, il est grand ce Jean qui est l’ami de Jésus-Christ ! Qui pourrait être plus grand que l’ami du Christ ? Il a des serviteurs, il a des amis. Que peut-il avoir encore ? Certainement pas de maître, ni de père. Absolument personne ne peut être plus grand que son ami. De fait, parmi ceux qui sont nés de la femme, il ne s’est pas levé de plus grand que Jean Baptiste. L’ami de l’époux se tient debout. L’ami de l’époux se tient debout : il ne bouge pas, il ne chancelle pas, il n’est pas couché à terre, mais il se tient debout. Voilà pourquoi l’un des amis de l’époux dit : Il est vivant, le Seigneur en présence de qui je me tiens debout. Heureux celui qui se tient debout en présence du Seigneur. L’ami de l’époux se tient debout : il garde la voie droite, il ne dévie ni à droite, ni à gauche, il ne se courbe pas vers la terre. Tel fut ce bienheureux homme : il ne s’envola pas vers les hauteurs, il ne s’abaissa pas vers les profondeurs, voilà pourquoi il se tint debout à la place où le Seigneur l’avait mis. Je ne suis pas le Christ, dit-il. Ô combien misérable fut Adam qui refusa de demeurer à la place où le Seigneur l’avait mis, mais qui voulut être comme Dieu. Il ne voulut pas être ami, mais égal ; c’est pourquoi d’ami, il devint esclave.