Sur Juges 13, 1-25

Une annonciation au livre des Juges

 

Saint Augustin

Les sept livres des questions, Sur l’Heptateuque, OC 8, p. 105s

 

On peut se demander pourquoi l’ange dit à la mère de Samson, lorsqu’il lui annonce la naissance d’un fils, bien qu’elle fût stérile : Prends bien garde ! Ne bois ni vin, ni boisson fermentée, ne mange rien d’impur. Que faut-il entendre par ce qui est impur, si ce n’est le relâchement de la discipline qui avait commencé à s’introduire chez les Israélites et les avaient entraînés à manger des animaux que la Loi leur défendait ? Et qu’y a-t-il d’étonnant qu’ils se soient laissés entraîner eux qui allaient jusqu’à rendre un culte sacrilège aux idoles ?

La mère de Samson rapporte à son mari les propos de l’ange : Désormais, ne bois ni vin, ni boisson fermentée, et ne mange rien d’impur, car l’enfant sera nazir de Dieu depuis le sein de sa mère jusqu’au jour de sa mort. Or, nous ne voyons pas que l’ange lui ait parlé de la sorte ! D’un autre côté, elle ne rapporte pas ce que l’ange lui a dit : C’est lui qui commencera à sauver Israël de la main des Philistins. Elle n’a donc point dit à son mari tout ce qu’elle a entendu, et cependant on doit croire qu’elle n’a rien dit que ce qu’elle a entendu ; c’est donc l’Ecriture qui n’a point rapporté toutes les paroles de l’ange en racontant son entretien avec cette femme. Or, l’ange lui dit qu’il sera nazir dès le sein de sa mère jusqu’au jour de sa mort, parce qu’on appelait dans la Loi nazirs temporaires ceux qui faisaient un vœu selon les prescriptions de la Loi de Moïse. Voilà la raison du commandement fait à Samson que jamais le rasoir ne passât sur sa tête, et qu’il ne bût ni vin, ni rien de ce qui peut enivrer. Samson observa toute sa vie ce que les autres nazirs n’observaient qu’à certains jours à l’accomplissement de leur vœu.

L’Ecriture dit que Manoah ne savait pas que c’était l’ange de Dieu. Il est donc évident que son épouse l’avait pris pour un homme. Ce que Manoah dit à l’ange : Permets que nous te retenions et que nous t’apprêtions un chevreau. C’est une invitation qu’il lui fait, comme à un homme, mais une invitation à participer avec lui à la victime qu’il aurait offerte en sacrifice, car offrir un chevreau, dans le langage ordinaire, désigne un sacrifice. L’ange lui répondit : Quand bien même tu me retiendrais, je ne mangerais pas de ta nourriture, paroles qui montrent évidemment qu’il avait été invité à un repas. Et il ajoute : Si tu désires préparer un holocauste, offre-le à Dieu. L’ange, qui ne devait pas prendre de nourriture, conseille à Manoah d’offrir plutôt un holocauste, non pas à lui, mais au Seigneur.