Sur Apocalypse 22, 1-9

Le fleuve et l’arbre

 

Père Jean-Pierre Charlier

Comprendre l’Apocalypse, tome 2, p.237s

 

Le fleuve, dont il est question ici, a un long cours. La proximité avec l’arbre de vie évoque vraisemblablement le fleuve dont parle le prophète Ezéchiel (47,1-12). Déjà saint Jean, dans son évangile fait allusion à cette vision d’Ezéchiel ; en premier lieu durant la grande prédication de Jésus dans le Temple, quand il dit : Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi ; de son ventre couleront des fleuves d’eau vive (7,37-38) ; la seconde allusion pourrait se cacher dans la scène de la pêche miraculeuse rendue possible, après la nuit, par la présence du Ressuscité. Le fleuve d’eau vive est expressif de la vie donnée en abondance par le Christ ressuscité.

Dans cette mouvance générale de l’évangile de Jean, il est possible que, dans l’Apocalypse, la métaphore du fleuve traduise la vie qui anime la communion des saints. Cette vie vient de Dieu et de l’Agneau ; cette vie est celle aussi que donne l’Esprit, lui-même eau vive. Au milieu de la place est planté l’arbre de vie. Quel est le rôle de cette place ? Elle a sans doute un rôle liturgique : si elle sert au déploiement d’un pèlerinage, elle conduit aussi à l’arbre de vie qui épanouit sa luxuriance. Telle était déjà la situation de cet arbre dans le jardin d’Eden, un arbre dont l’accès était à jamais interdit aux humains. S’il n’y a pas retour au jardin, mais bien plutôt entrée sur la place, donc dans une ville, il y a tout de même l’effacement de la malédiction qui avait décidé du sort mortel d’Adam.

Il est utile d’insister sur le fait que cet arbre est unique à la différence de ceux d’Ezéchiel. Ce dernier, de surcroît, utilise indifféremment les mots « arbres » et « bois », tandis que la Genèse s’en tient au mot « bois ». S’il y a mention de quatre « arbres » dans l’Apocalypse pour désigner les végétaux ordinaires, il y a sept « bois » dont on devine la valeur christologique et staurologique. C’est bien du bois mort de la croix qu’il s’agit ici et qui devient source d’alimentation permanente pour les saints. Le thème développé ici est commun dans l’Apocalypse et le judaïsme en général. C’est celui de la fécondité de l’arbre qui, non seulement donne son fruit constamment à tous les habitants de la Ville sainte, mais encore procure remède et guérison pour les nations.

Ainsi le Christ (le bois de la Croix) et l’Esprit (l’eau vive) se conjuguent pour assurer la vie sous la Tente de Dieu : la foi trinitaire habite en plénitude dans la Jérusalem nouvelle.